Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Conférence de Giorgio Nardone du 23 février 2002, Paris
Compte-rendu de Manuel Macary, psychologue

L’Institut Gregory-Bateson, de Liège, représentant du Mental Research Institute (MRI) pour l’Europe francophone, a organisé, le 23 février 2002, à Paris, une conférence de Giorgio Nardone sur les troubles alimentaires.
Giorgio Nardone exerce et enseigne la Thérapie Brève de Palo Alto, au Centro di Terapia strategica d’Arezzo (représentant du MRI pour l’Italie), dont il est le directeur.

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Introduction
L’apport spécifique principal de Nardone à la pratique de la Thérapie Brève réside dans la mise en œuvre d’une méthodologie fondée sur la construction et l’application de protocoles stratégiques propres à chaque type de problèmes, autrement dit à chaque catégorie diagnostique. Car il s’agit bien d’une approche diagnostique, ce qui la distingue nettement au sein de l’école de Palo Alto, qui se veut non normalisante et non pathologisante (et rejette donc, en principe, la démarche nosographique et diagnostique, qui consiste à définir des types de pathologies en fonction d’une norme).

Giorgio Nardone a donc présenté sa théorie des troubles alimentaires, construite à partir de sa pratique thérapeutique.

Cette théorie se fonde sur une «nosographie» spécifique, proposant quatre catégories de troubles principales, auxquelles correspondent quatre lignes stratégiques générales. Ces catégories se subdivisent en deux ou trois sous-catégories, caractérisées soit par des attitudes psychologiques différentes, soit par des contextes différents, auxquelles correspondent autant de variantes dans la stratégie à suivre.

L’anorexie
Définie comme une tentative de contrôle (de la relation du sujet à la nourriture, puis à tout ce qui donne du plaisir) qui réussit trop bien et devient, de ce fait, une sorte de compulsion irrépressible. La ligne stratégique générale consiste à perturber le contrôle lui-même en recourant à des techniques que le sujet ne peut contrôler, et qui ne dépendent pas de sa volonté.

La boulimie
Cette fois, il s’agirait d’une tentative de contrôle qui fait perdre le contrôle: plus le sujet cherche à contrôler son rapport à la nourriture, moins il y parvient. Il convient donc de s’attaquer à ses tentatives de contrôle, pour lui permettre de retrouver un contrôle.

Le syndrome de vomissement (vomiting)

Il se présente comme une «séquence érotique».
Premier temps: compulsion irrépressible à manger. Avant d’y céder, le sujet cultive le fantasme de manger puis de se faire vomir, ce qui provoque chez lui une excitation croissante.
Deuxième temps: le sujet cède à la compulsion de se remplir. L’excitation croît jusqu’à un paroxysme.
Troisième temps: le sujet se fait vomir, provocant une chute brutale de l’excitation comparable à un orgasme.
La ligne stratégique générale consiste à briser la séquence, en introduisant un temps de latence croissant entre le gavage et le vomissement.

Le binge eating
Il s’agirait d’un contrôle bien réussi, que le sujet parvient à contrôler, ou un contrôle sans perte de contrôle: «évolution technologique»à la fois de l’anorexie et de la boulimie. Il consiste en une alternance de périodes d’extrême restriction et de périodes de gavage, sur un rythme journalier (jeûne la journée et gavage le soir) ou pluri-journalier (restriction sévère plusieurs jours de suite, puis gavage, le week-end, par exemple).
Ce fonctionnement est extrêmement stable, le sujet ayant vraiment l’impression de contrôler parfaitement la situation. Celui-ci ne consulte que s’il se produit un dérapage, en particulier si le gavage devient trop important, entraînant une prise de poids. L’intervention se fonde sur la transformation d’un rituel de plaisir, en un rituel de torture.

Conclusion
L’approche de Giorgio Nardone est diagnostique et, de fait, il recourt abondamment aux concepts de norme et de pathologie. Elle n’en est pas moins pragmatique et stratégique. Elle présente l’intérêt d’offrir au thérapeute des idées de stratégies et de tactiques qui peuvent orienter sa pratique, et l’aider à se sentir moins intimidé par des problèmes aigus, souvent traités à l’hôpital. La thérapie ne peut en aucun cas se résumer à l’application de tel protocole, et Giorgio Nardone n’obtiendrait pas les résultats extraordinaires qu’il semble obtenir sans son charisme, son génie stratégique et sa virtuosité rhétorique.
© M. Macary/Paradoxes

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