Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Communication à la XIIIème journée de Rencontre de Paradoxes, 4 octobre 2014
Marie-Laure VOISARD, coach d’entreprise

La séance tripartite (entreprise, coaché et coach) a pour but de définir le contrat de coaching en entreprise. Dans une approche systémique, le coach prend en compte tous les acteurs concernés, la dimension hiérarchique et la part de contrainte dans la demande de changement. Cette réunion doit être préparée par des rendez-vous individuels avec les différents acteurs. Durant ces entretiens, le coach aide la ligne hiérarchique à clarifier sa demande de changement vis-à-vis du coaché. Les attentes et les enjeux seront ainsi mieux explicités lors de la tripartite, ce qui favorisera la réussite du coaching.
A travers des exemples, nous regarderons : quels sont les acteurs pertinents et dans quel ordre les rencontrer, quel est le contenu des entretiens selon les interlocuteurs, comment ces entretiens constituent déjà une intervention sur le système.

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Introduction

Depuis que je travaille avec l’approche Palo Alto, j’ai modifié radicalement ma façon de conduire l’entretien tripartite. Ce que j’ai pu observer, c’est que ce changement favorise la réussite du coaching pour l‘entreprise et pour le coaché car il améliore la transparence maximale lors de cet entretien.

Je vais vous parler de « la préparation de l’entretien tripartite, un moment clé dans le coaching ». A travers des exemples, nous regarderons : quels sont les acteurs pertinents et dans quel ordre les rencontrer, quel est le contenu des entretiens selon les interlocuteurs, comment ces entretiens constituent déjà une intervention sur le système.

1. Définition de l’entretien tripartite

En général, la séance tripartite (entreprise, coaché et coach) a pour but de définir le contrat de coaching.
L’entreprise définit les objectifs du coaching au début du coaching et en mesure les résultats à la fin du coaching en présence du coaché, de son hiérarchique et du coach.
Lors du premier entretien tripartite, le coach pose le cadre de l’intervention dans des conditions de transparence optimale.

Dans une approche systémique, le coach prend en compte tous les acteurs concernés et la dimension hiérarchique. Il est attentif à repérer s’il y a une part de contrainte dans la demande de changement ou pas. C’est pourquoi, cette réunion tripartite se prépare soigneusement par des entretiens préparatoires individuels avec les acteurs concernés, même si la pratique habituelle veut que le premier entretien se réalise avec le coaché. Nous verrons, plus loin, que ce rendez-vous ne se justifie pas.
Dans ces entretiens, le coach aide la ligne hiérarchique à clarifier sa demande vis-à-vis du coaché. Les attentes et les enjeux seront ainsi mieux explicités lors de la tripartite, ce qui favorisera la réussite du coaching.

2. Quels sont les acteurs concernés par un coaching dans une entreprise ?

En général, l’entreprise est représentée par le décideur du coaching qui est souvent le hiérarchique du coaché. Selon les cultures et organisations d’entreprises, un membre de la direction des RH, peut aussi participer à ce rendez-vous tripartite.
Tous les acteurs concernés que rencontrera le coach avant l’entretien tripartite, n’y participeront pas.
Il pourra y avoir aussi 2 membres de la DRH ou de la hiérarchie (N+2 et N+1)… Selon le niveau hiérarchique du coaché; en particulier s’il est cadre dirigeant ou cadre supérieur, le (la) DRH peut choisir d’être présent. Mon expérience c’est qu’en général sont présents : le hiérarchique direct, le coaché et le coach et parfois un membre de la RH.

Il m’est arrivé dans des problématiques particulières de l’entreprise d’avoir plus de participants, comme :

–  Le premier coaching dans une entreprise industrielle. Il y avait la DRH et la responsable du développement des compétences, ainsi que le hiérarchique et le coaché.

–   Le coaching d’un chef de projet informatique stratégique, qui avait mis une grande pression sur ses équipes d’où des plaintes à la RH et à sa hiérarchie. Comme le N+2 ne voulait pas s’en séparer car très efficace et très expert, il a imposé à son N+1 un coaching pour accompagner ce chef de projet. Les 2 hiérarchiques étaient présents à la tripartite et un membre de la RH.

– Dans un nouveau coaching, j’ai eu 3 interlocuteurs de la RH au téléphone, j’en ai rencontré 2 et 1 seul a participé à la tripartite.

3. Dans quel ordre rencontrer ces acteurs ?  Quel est le contenu de ces entretiens ?

L’ordre de la rencontre des différents interlocuteurs donnera aussi au coach des informations sur le système.

  • La DRH

En général c’est un membre de la DRH qui contacte le coach, puis qui le pilote dans l’entreprise et organise les rendez-vous. Même si ce n’est pas la DRH qui a décidé le coaching, elle a souvent participé à la décision et préconisé un des coachs qu’elle a référencé en amont.
Selon le degré de connaissance du coach avec l’interlocuteur RH, il pourra aborder 3 thèmes dans un ordre qui sera fixé conjointement avec son interlocuteur RH.

–  Si le coach n’est pas encore référencé ou n’a jamais travaillé avec cette entreprise, ce rendez-vous sera d’abord un rendez-vous de référencement : faire reconnaitre le coach comme légitime pour intervenir et indiquer son mode opératoire.

connaissance de l’entreprise : le coach écoutera et questionnera la perception de l’entreprise de son interlocuteur RH. Il découvrira la culture de l’entreprise, sa pratique et son expérience du coaching, le processus de recrutement des coachs. En tant que fonction support, l’interlocuteur RH permet au coach d’avoir une première perception du système : les acteurs, les divergences de points de vue, les alliances, où se situe le pouvoir…

–  contexte et enjeux du coaching pour lequel le coach a été contacté. Il questionnera son interlocuteur RH sur :

  • Pourquoi un coaching pour cette personne ?
  • Quel est, de son point de vue, le changement attendu pour ce coaché ?
  • Les obstacles, les freins à ce changement ?
  • Y a-t-il une contrainte à changer pour le coaché… ? Quels seront les risques ?…

C’est aussi, dans ce rendez-vous que le coach précisera son mode opératoire (des rendez-vous préparatoires de l’entretien tripartite) qui pourra surprendre certains RH qui n’ont pas la pratique de l’approche systémique et qui ont surtout appris qu’il ne fallait pas rencontrer les différents acteurs de peur d’être influencé et de ne pouvoir accompagner avec neutralité le coaché. Le coach indiquera son souhait de rencontrer le hiérarchique du coaché pour l’aider à clarifier les objectifs du coaching. Il vérifiera avec l’interlocuteur RH si le décideur est bien le N+1 ou si c’est quelqu’un d’autre et dans ce cas, s’il est possible de le rencontrer. Le coach pourra aussi demander si d’autres personnes peuvent être concernées par ce coaching afin de les rencontrer.

Exemple :
Je n’étais pas référencée dans cette entreprise, je ne les connaissais absolument pas et j’y ai été introduite par le coaché sur recommandation de sa thérapeute. Dans ma proposition j’avais demandé à rencontrer un membre de la DRH et j’avais précisé que c’était un rendez-vous commercial non pris en compte sur le temps du coaching.
Lorsque j’ai rencontré mon interlocuteur RH, cette femme a voulu d’abord me présenter la problématique du coaché, puis l’entreprise et je n’ai pas eu à parler de ma légitimité de coach pour cette mission car ma proposition et le site internet visiblement l’avaient rassurée. Par contre, cette femme avait besoin de parler de ses difficultés dans l’entreprise.

  • Le décideur du coaching

Le décideur est bien souvent le hiérarchique direct du coaché. Si le coach doit rencontrer plusieurs niveaux hiérarchiques il devra commencer par les plus élevés, si c’est possible. Durant l’entretien il fera préciser :

– quels sont les comportements que le coaché doit modifier ?
– quels sont les objectifs, les comportements attendus, ce qu’on doit voir de différent ?
– le niveau de contrainte pour le coaché : qu’est ce qui se passera pour le coaché s’il n’y a pas de changement ? Le coach vérifiera si le coaché a été informé de la contrainte. S’il n’a pas été informé, il verra avec le responsable à quel moment il compte le faire : avant ou pendant l’entretien tripartite ?
– qu’est-ce qui a déjà été fait pour que le coaché modifie ce comportement ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Si le coach rencontre le N+2 du coaché, il devra aussi l’interroger sur ses relations avec le N+1, sur ce qu’il pense de lui, de ses relations avec le coaché. Il fera de même lorsqu’il rencontrera le N+1 du coaché.
Parfois le hiérarchique aura besoin d’exprimer les difficultés qu’il rencontre comme « de donner sa chance à ce coaché auquel personne ne croit » ou qui, « par ses foucades de jeunesse perturbe les relations avec la ligne hiérarchique et se la met à dos » ou d’autres difficultés rencontrées avec l’équipe dirigeante à laquelle il peut appartenir.
Les rendez-vous avec les hiérarchiques sont souvent prévus sur de courtes durées (30 mn parfois  1 heure). Selon le contexte et la qualité de la relation établie avec le coach, ils peuvent se prolonger. Le hiérarchique a besoin d’expliquer sa vision de la situation avant de donner à brûle-pourpoint sa demande de changement.
Les questions du coach aident le hiérarchique à préciser sa demande et à la formuler clairement au coaché durant l’entretien tripartite. Plus le hiérarchique est précis dans sa demande de changement (problème, objectif, risque en cas de non atteinte de l’objectif, ce qui a déjà été essayé qui n’a pas marché, etc…), plus le coaché peut se positionner et plus le coach peut se référer à un cadre défini en commun.

Une précision : le coach doit être au clair sur sa position dans le système pour se référer à cet objectif sans être dans une position haute : c’est juste le cadre de la mission du coach, il n’a pas à se substituer à la hiérarchie.

Exemples :

–   Chez un nouveau client, je n’avais pas suffisamment investigué pour comprendre qui était le réel décideur de ce coaching et je n’avais pas rencontré le N+2 du coaché. Lors du rendez-vous tripartite de bilan intermédiaire, ce N+2 a souhaité me rencontrer alors que je ne l’avais pas sollicité. J’ai compris que j’avais oublié un acteur majeur du processus de coaching. Il souhaitait me faire intervenir auprès du N+1 ce que je n’ai pas pu faire car le cadre posé ne le permettait plus. Si je l’avais rencontré en amont du rendez-vous tripartite, il y aurait peut-être participé avec le N+1 et le cadre du coaching aurait pu être différent, intégrant le travail avec le N+1 dès le départ.

J’ai rencontré un hiérarchique qui avait reçu une lettre anonyme concernant le coaché et qui ne voulait pas la lui montrer. Dans l’entretien préparatoire il a proposé de me la montrer. J’ai refusé de la lire, tant que le coaché ne l’avait pas lue, indiquant que je perdrai ma marge de manœuvre avec le coaché en ayant des informations le concernant qu’il n’aurait pas. J’ai demandé au hiérarchique de la lui montrer avant l’entretien tripartite. Ce qu’il a fait. Le coaché m’en a parlé, après, me disant qu’il s’était fait un sang d’encre à propos de cette lettre et que lorsqu’il l’avait lue, il n’y avait rien trouvé de dramatique par rapport à ce qu’il avait imaginé et avait décidé d’arrêter d’en chercher les auteurs

  • Le coaché.

Tant que les objectifs n’ont pas été fixés par le décideur, il est inutile de rencontrer le coaché pour préparer l’entretien tripartite.
Dans les cas où il y a une dimension de contrainte, il est préférable qu’elle soit expliquée au coaché directement par sa hiérarchie. Ce n’est qu’à ce moment-là que le coaché pourra se positionner par rapport au coaching. Et ce n’est pas au coach de lui communiquer ces informations. Le coach n’a pas à se substituer à la hiérarchie du coaché.
Si le coach doit rencontrer le coaché parce que l’entreprise le demande, (souvent, elle met en route le coaching après que le coaché ait choisi le coach ou validé celui proposé), dans ce cas le coach l’interrogera sur :

–       ce qu’il pense de ce coaching,

–       pourquoi il pense qu’il lui est proposé.

Le coach lui expliquera l’objectif de l’entretien tripartite (définir l’objectif du changement demandé lors du coaching) et la nécessité pour le coaché de se positionner, si c’est possible pour lui, durant cet entretien. Il indiquera au coaché les personnes qu’il a prévu de rencontrer pour préparer l’entretien tripartite. Il précisera les règles de confidentialité et qu’il ne rencontrera plus les autres acteurs, hors sa présence, lorsque le coaching aura débuté excepté lors les bilans intermédiaire ou final tripartite.

Exemple :
J’ai eu un coaché sous contrainte qui refusait que le coaching soit « la mise en forme d’un bon petit soldat ». Le rendez-vous tripartite ne pouvait se réaliser car sa hiérarchie n’était pas disponible suffisamment rapidement.
J’ai rencontré le coaché, durant 2 séances avant l’entretien tripartite, à la demande du N+1 et de la DRH car le coaché était en grande souffrance et sa hiérarchie voulait qu’il ait rapidement un lieu pour l’exprimer.
J’ai écouté le coaché très inquiet sur ce rendez-vous tripartite. Je lui ai expliqué l’objectif de cet entretien : permettre à son hiérarchique de définir l’objectif et clarifier le changement attendu. Il m’a répondu qu’il ne voulait pas s’engager dans « une mise en forme d’un bon petit soldat mais qu’il était coincé ». J’ai reprécisé mon rôle qui n’était pas de faire « une mise en forme de bon petit soldat » et en même temps que je devrai respecter l’objectif fixé par sa hiérarchie quand elle le formulerait lors de l’entretien tripartite mais qu’il était libre de refuser le coaching et que nous pouvions arrêter là. Après un moment de surprise, il a demandé à poursuivre. Je lui ai précisé qu’il pouvait changer d’avis d’ici le prochain rendez-vous ; je lui demandais de me prévenir 48 heures à l’avance.
Finalement il a poursuivi le coaching, il a explosé durant l’entretien tripartite. Sa hiérarchie lui a précisé qu’elle lui donnait une chance, à lui de la saisir et qu’on ferait le point au bilan intermédiaire.

Comme vous avez pu l’entendre dans chacun de mes exemples, rien ne se passe vraiment comme on l’a prévu. Mais le fait, d’être clair sur l’objectif de ces entretiens préparatoires aide le coach à garder son cap : aider l’entreprise et plus particulièrement la hiérarchie à clarifier l’objectif de changement.
Une fois ces entretiens terminés, le coach pourra refuser le coaching s’il perçoit qu’il n’a pas la marge de manœuvre suffisante pour agir ou si le changement demandé n’est pas de son ressort.

  1. 4. Action sur le système des entretiens préparatoires

Ces entretiens préparatoires permettent au coach d’agir sur le système puisque le coach aide à clarifier la demande de l’entreprise. Le hiérarchique précise sa demande, la formule clairement et ainsi permet au coaché de se positionner par rapport à la demande de changement. Bien souvent, j’ai pu observer que les problèmes surviennent car les demandes de changement de la hiérarchie ne sont pas assez claires et précises pour le collaborateur concerné ou pour l’équipe.

Lorsque le coach fait des reformulations, des recadrages ou même propose une tâche, il peut amener ses interlocuteurs à bouger leur vision de la situation. Ils peuvent clarifier certains points en interne ou avec le coaché avant le rendez-vous tripartite comme on a pu le voir dans certains exemples. Le coach aide les managers à s’impliquer.
C’est pourquoi, les entretiens en amont du rendez-vous tripartite font déjà partie du coaching. Ils agissent déjà comme une intervention sur le système et seront donc facturés.

Conclusion

Dans une approche systémique, le coach prend en compte tous les acteurs concernés par le coaching et, en particulier, la dimension hiérarchique. Il est attentif à repérer s’il y a une part de contrainte dans la demande de changement.
La réunion tripartite se prépare par des rendez-vous individuels avec les acteurs concernés. Dans ces entretiens, le coach aide la ligne hiérarchique à clarifier sa demande de changement vis-à-vis du coaché, à expliquer la contrainte s’il y en a une. Ce travail est une véritable aide à la transparence nécessaire à la réussite du coaching car les attentes et les enjeux seront ainsi mieux explicités.

© Marie-Laure Voisard/ Paradoxes

Pour citer cet article : Marie-Laure VOISARD,  La préparation de l’entretien tripartite, un moment clé dans le coaching, 2014  www.paradoxes.asso.fr/2014/10/la-preparation-de-lentretien-tripartite-un-moment-cle-dans-le-coaching/

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