Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Bienvenue à la première Journée d’Etude de l’association Paradoxes
Cette journée est pour nous la concrétisation d’un rêve : la création d’une association pour regrouper les personnes intéressées par l’approche de Palo Alto et la faire connaître nous tenait à cœur depuis de nombreuses années.

Journée d'Etude 2002 ©Paradoxes

Paradoxes est une association loi 1901 qui a été fondée par quatre médecins: Chantal Gaudin, psychiatre et psychothérapeute à Genève, Manuela Guillot, neurologue et psychothérapeute à Lyon, Georges Elkan, pédopsychiatre et psychothérapeute à Paris et moi-même, Irène Bouaziz, psychiatre et psychothérapeute à Paris.

Paradoxes est née en septembre 2001, l’année du centenaire de la loi qui a mis en place les associations à but non lucratif.
En janvier 2002 nous avons mis en ligne, grâce à l’aide bénévole de notre webmaster Martine Laroche, un site Internet qui s’est progressivement étoffé avec des informations, un annuaire de praticiens et des textes.
En avril nous avons fêté, avec certains d’entre vous, la création de l’association autour d’un verre de Palo Alto, excellent vin chilien.
Et voici enfin notre première manifestation, occasion pour des praticiens du modèle, thérapeutes et consultants, de nous faire part de leur expérience, occasion aussi de débattre ensemble.

Pour clarifier les choses, nous avons décidé de réserver la dénomination Thérapie Brève, aussi insatisfaisante soit-elle, à l’application de l’approche de Palo Alto dans le champ de la thérapie, en précisant cependant qu’il s’agit de Thérapie Brève Systémique pour la démarquer des innombrables autres formes de Thérapie Brève.
Et nous avons décidé de parler d’Intervention Systémique Brève pour l’application du modèle dans tous les autres champs que celui de la thérapie.

Rappelons que l’approche de Palo Alto s’applique dans tous les contextes dans lesquels se posent des problèmes humains et si, aujourd’hui, ce sont des thérapeutes et des consultants qui s’expriment, nous espérons bien avoir l’occasion d’entendre prochainement des travailleurs sociaux, des enseignants ou des urbanistes, des DRH…

La grande majorité d’entre nous dans cette salle a été formée au modèle de Palo Alto par l’Institut Gregory Bateson de Liège (IGB), représentant officiel du MRI de Palo Alto pour l’Europe francophone qui propose des formations en France depuis près de 10 ans.
Il y a cependant parmi vous quelques personnes qui ne sont pas tout à fait familières du modèle de Palo Alto et je voudrais commencer cette journée en rappelant rapidement les principes que notre association a pour but de diffuser.
Ceux qui sont parfaitement à l’aise avec l’approche peuvent s’abstenir d’écouter, ce sera très bref, modèle oblige.

Le modèle de Thérapie Brève développé dans les années soixante à Palo Alto au sein du Mental Research Institute a été une application des travaux sur la communication menés par Gregory Bateson et son équipe.
Je rappelle que, contrairement à ce que l’on peut lire sur des sites Internet approximatifs, Gregory Bateson n’a pas fondé le MRI et n’a pas inventé la Thérapie Brève.
Ce modèle repose sur une théorie, et plus précisément sur deux visions du monde complémentaires: la systémique et le constructivisme.
Il développe une stratégie de résolution de problèmes humains, qui est une stratégie paradoxale.
Et enfin, il utilise différents outils dont les plus importants sont les recadrages et les prescriptions de tâches.

La distinction entre ces trois niveaux logiques : les prémisses, la stratégie et les outils, permet de mieux comprendre à quel point ce modèle est un tout cohérent.

Les bases systémiques et constructivistes nous donnent une vision non pathologisante et non normative des problèmes.
Elles nous conduisent à décoder une situation en prenant en compte les aspects interactionnels, en étant particulièrement attentif à la dimension contextuelle des problèmes et en gardant à l’esprit que nous ne savons pas mieux que le client quel est son problème, ce qui serait bon pour lui et quelle est la meilleure façon d’y parvenir.

La stratégie paradoxale repose sur un postulat selon lequel tout problème récurrent est maintenu par les solutions tentées en vain pour le résoudre. Il s’agit donc, pour dénouer un problème, de mettre fin à ces tentatives de solutions inefficaces.
On a recours pour cela à une démarche rigoureuse et simple, quoique que difficile à mettre en pratique: on identifie la personne qui, dans un système est la plus prête à changer et que l’on appelle le client, on co-construit avec ce client une définition du problème qui le rende accessible à une solution, on co-construit de la même façon avec lui un objectif réaliste, on identifie les tentatives de solutions qu’il a déjà mises en place et qui se sont révélées inefficaces et on intervient pour les arrêter de façon à ce que le client puisse trouver lui-même une solution enfin efficace.

Les outils utilisés ne sont pas spécifiques à l’approche, c’est la façon dont ils sont utilisés, et plus précisément le sens dans lequel ils sont utilisés au sein de la stratégie qui les rend ou non compatibles avec le modèle.
Pour arrêter les tentatives de solution on utilise principalement les recadrages, c’est à dire des propositions ayant pour but de présenter d’autres façons de voir les choses, et des tâches, prescriptions comportementales qui permettent au client d’expérimenter de nouveaux types d’interactions.
Une des difficultés est que toutes ces étapes ne se déroulent pas de façon linéaire (ce qui est la moindre des choses dans des systèmes régis par les lois de la causalité circulaire) et qu’il faut rester particulièrement attentif à la vision du monde du client pour arriver à le convaincre, avec sa logique à lui, d’aller à contre sens de ce qu’elle lui a dicté jusqu’à présent.

Ce modèle ne prétend pas être le seul modèle juste, la seule vérité.
Il ne prétend pas non plus être un modèle meilleur que les autres, il est simplement une des applications possibles d’une des innombrables façons possibles de voir le monde.
Mais il a l’avantage d’être simple, rigoureux et cohérent.
Il est profondément respectueux du client et vise à lui redonner la responsabilité de sa vie.

Voilà donc quelques repères qui vont vous permettre de ne pas être trop désorientés dans ce qui va se passer dans cette journée.

© I. Bouaziz/Paradoxes

Pour citer cet article : Irène BOUAZIZ, Allocution d’ouverture à la première Journée d’Étude de Paradoxes, 19 octobre 2002. https://www.paradoxes.asso.fr/2002/10/premiere-journee-detude-de-paradoxes-19-octobre-2002/
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