Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Pourquoi nous n’irons pas à la Conférence Mondiale de Thérapie Brève Systémique et Stratégique.
Irène Bouaziz, Chantal Gaudin, octobre 2010

L’association européenne de Thérapie Brève Systémique et Stratégique (www.bsst.org), qui avait tenu sa première conférence à Arezzo (Italie) en 2003 (voir notre compte rendu), est devenue, cette année, une association mondiale.
Nous avions assisté aux deux premières conférences, renoncé à aller à la troisième et nous décidons maintenant de ne pas participer à la première conférence mondiale, pourquoi ?

Notre attachement au modèle de résolution de problèmes né à Palo Alto, Californie, dans les années soixante, tient principalement à son caractère non normatif et non pathologisant. Nous sommes psychiatres, nous avons été formées à un modèle extrêmement normatif, voire répressif, nous avons pratiqué les diagnostics et les protocoles de traitement et nous en sommes revenues. Nous avons souffert de voir les êtres humains placés dans des cases qui niaient leur singularité, soumis à des protocoles thérapeutiques qui les transformaient en robots, ridiculisés dans des présentations cas qui n’avaient d’autre but que la mise en valeur du thérapeute.
Une approche non pathologisante ne signifie pas que nous considérons que la maladie mentale n’existe pas, ni que toutes les souffrances humaines sont solubles dans le paradoxe, cela signifie simplement que nous n’abordons pas les personnes qui nous demandent de l’aide sous l’angle d’un diagnostic.

Le titre  de cette première conférence mondiale de Thérapie Brève Systémique et Stratégique: « De l’art à la technologie du changement – psychopathologie interactionnelle stratégique: une classification opérative pour des traitements véritablement efficaces – et Pathologies managériales et les dysfonctionnements des systèmes organisationnels » montre que l’évolution de cette association est marquée par un retour clairement affirmé à une conception normative des problèmes humains.

Du point de vue constructiviste qui est le nôtre, cette impulsion techno-pathologisante venue d’Italie et reprise maintenant ici et là dans d’autres pays a certainement des qualités et nous ne mettons pas en doute les résultats obtenus. Il est bien certain que classifications et protocoles ont le mérite de correspondre au discours dominant, tant dans le monde de la psychologie que dans celui de l’entreprise. Il n’est pas moins certain que ce type d’approche a aussi le mérite d’être facile à enseigner et à mettre en pratique, tout autant que le GPS facilite la vie lorsqu’on doit se rendre au fin fond de la Toscane…

Mais, puisque toutes les visions du monde se valent, c’est pour rester en cohérence avec la nôtre, toujours fermement ancrée dans l’idée Batesonienne de ne pas réduire l’extraordinaire complexité du monde en général et des êtres humains en particulier, que nous décidons de ne pas « évoluer » dans ce sens là.

Bien évidemment, nous savons que dans une conférence mondiale, tous les intervenants ne sont pas sur la même longueur d’onde et c’est à regret que nous nous privons d’entendre les communications des quelques praticiens qui parleront de la singularité et des ressources des clients.

Fort heureusement l’an prochain, pour le 10ème anniversaire de notre association Paradoxes, nous aurons l’immense plaisir d’accueillir deux remarquables thérapeutes, associées de recherche au Centre de Thérapie Brève du MRI de Palo Alto: Barbara Anger-Diaz et Katharina Anger qui savent transmettre avec humanité et talent leur approche non-pathologisante (voir le compte rendu de leur Master Class à Paris en novembre 2009).

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