Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Colloque du 18 et 19 novembre 2006, grand amphithéâtre de la Sorbonne, Paris
Compte rendu d’Irène Bouaziz et de Chantal Gaudin

Les évènements autour de Gregory Bateson et de l’Ecole de Palo Alto sont particulièrement rares en France.
Aussi ce colloque, à l’initiative de l’Institut Gregory Bateson de Liège, a-t-il été un grand moment dans un des lieux les plus prestigieux de Paris.

Fêter le cinquantenaire de la publication d’un article est assez inhabituel, mais, le centenaire de la naissance de son principal auteur, Gregory Bateson, étant passé à peu près inaperçu en Europe il y a deux ans, il était temps de ne pas manquer cette occasion. D’autant plus que, finalement, c’est le travail de toute une équipe et de tous ceux qui ont été inspirés par ce texte fondateur qui s’est ainsi trouvé célébré.

Dès l’entrée dans le Grand Amphi de la Sorbonne, l’émotion était au rendez-vous, entre le décor magnifique et les quelques cinq cent personnes présentes, un record pour la France. Une excellente organisation, malgré les nombreux interdits des administrateurs du lieu (pas de pause café, pas de vente de livres), a mis l’assistance dans de bonnes dispositions pour entendre les conférenciers venus des Etats-Unis, de Belgique, de Hongrie, d’Italie et de France.

Comme le laissait prévoir le texte de présentation de ce colloque, cinquante ans après la publication de cet article qui inaugurait une nouvelle façon de voir les problèmes humains, le bilan que l’on peut faire est plutôt mitigé. La dimension interactionnelle et la notion de double contrainte sont loin d’avoir révolutionné le monde de la psychiatrie et de la psychologie. Les orateurs présents n’étaient donc pas là pour témoigner des profondes transformations institutionnelles générées par cette nouvelle approche, mais plutôt pour évoquer, à leur échelle, plus ou moins modeste, les changements dans leur façon de travailler.

Nous ne pouvons imaginer ce que le néophyte (y en avait-il dans la salle ?) aura retenu de ce colloque. Se dit-il : « Ah, bon, c’est tout ce qu’ils en ont fait ? La bombe dans le monde de la psychiatrie n’était donc qu’un pétard mouillé ? ». Ou alors : « Un demi siècle, c’est bien court à l’échelle de l’histoire des idées, ce colloque montre que cela commence à germer. » A moins qu’il ne pense que, bombe ou pas, un an ou cinquante ans après, il est toujours intéressant de voir comment toute idée peut se transformer en passant d’une tête à l’autre.

Notre point de vue de praticiennes de l’approche systémique et paradoxale inspirée des travaux de l’équipe de Bateson, de formatrices à cette approche et enfin d’animatrices d’une association ayant pour objet de la promouvoir, ne peut être que très spécifique.

Ainsi, nous avons particulièrement apprécié la projection, en début de colloque, de l’émission de télévision datant de 1959 dans laquelle Bateson présente la double contrainte illustrée par une scène jouée par des acteurs.
Le côté feuilleton américain des années cinquante, auquel la terre entière est si bien sensibilisée, était parfait pour rendre accessible cette notion complexe d’interaction dans laquelle l’un des protagonistes a toujours tort quoiqu’il fasse.

Toujours dans la série « feuilleton américain », Wendell Ray et Molly Governer nous ont présenté quelques éléments des recherches passionnantes qu’ils font sur la base des milliers d’heures d’enregistrements audio et vidéo des réunions de travail de l’équipe qui a élaboré le concept de double contrainte (Bateson, Weakland, Jackson, Haley et Fry).

Equipe Bateson

Equipe Bateson

Nous avons cru percevoir, comme cela avait déjà été le cas lors des Conférences européennes de thérapie brève stratégique et systémique d’Arezzo où Wendell Ray avait présenté ses recherches, que cet aspect historique intéressait assez peu l’auditoire. Nous le regrettons d’autant plus que ce désintérêt, qui va de pair avec un désintérêt pour l’épistémologie, aboutit à une survalorisation des sujets cliniques dans lesquels sont présentées des techniques spectaculairement efficaces. Pour rester dans la métaphore cinématographique, nous regrettons que le clip publicitaire prenne le pas, aujourd’hui, sur le film à thèse. Dommage que les détracteurs de l’histoire et de la théorie ne fassent pas le lien entre l’attention portée à la naissance des idées et l’attention portée à un travail qui respecte profondément les patients, comme le montrent si bien les extraits présentés par Ray et Governer.

La présence de Mary Catherine Bateson, anthropologue qui a travaillé avec son père, était, pour certains d’entre nous, importante et émouvante. Nous aurions aimé l’entendre plus longuement sur la double contrainte dans la communication internationale, mais ce qu’elle nous a dit nous a déjà un peu rassurées. Non, il n’y a pas aujourd’hui aux Etats Unis, que des Schwartzenegger, Bruce Willis et autres Rambo.

Nous avons par contre beaucoup regretté l’absence de Bradford Keeney, bloqué dans la forêt amazonienne, qui devait nous parler des rapprochements qu’il fait entre certaines traditions thérapeutiques illusionnistes et l’esprit de la double contrainte de Gregory Bateson.

Yves Winkin nous a, fort à propos rappelé à quel point les publications en français des textes de l’Ecole de Palo Alto ont été tardives.

Y. Winkin, V. Servais © Paradoxes

Véronique Servais nous a brillamment expliqué à quel point une vision non interactionnelle de la communication animale conduisait à des impasses. Nous sommes malheureusement restés sur notre faim en nous demandant où conduisait la vision interactionnelle.

François Roustang, dont la pensée complexe et la pratique non interventionniste auraient probablement ravi Gregory Bateson, nous a fait entendre un autre son de cloche en invitant à revisiter, sur un mode critique, la notion de double contrainte et, en particulier, son extension en dehors du champ de la schizophrénie.

L’intervention de Claude Duterme sur la double contrainte dans l’entreprise nous a laissées pour le moins perplexes. Nous savons que la Belgique n’est ni la France, ni la Suisse, mais l’image qu’il propose de l’entreprise nous est apparue quelque peu extraterrestre…

Nous regrettons d’autant plus la maigre part réservée aux problèmes humains dans l’entreprise dans ce colloque, comme dans les autres rencontres systémiques, que, dans notre pratique quotidienne de psychiatres « de ville », nous voyons, aujourd’hui, plus de souffrances engendrées par les doubles contraintes dans le monde du travail que par les doubles contraintes dans la famille.

Table ronde © Paradoxes


La seconde journée de ce colloque était plus nettement orientée vers la clinique. Elle nous a montré que les idées semées il y a cinquante ans pouvaient donner, selon les terrains et les jardiniers, des plantes étonnamment variées…

Pour conclure, nous dirons que nous avons eu le sentiment de participer à un moment d’histoire. Nous remercions pour cela Jean-Jacques Wittezaele et Teresa Garcia, directeurs de l’Institut Gregory Bateson de Liège qui, depuis près de vingt ans s’emploient à diffuser l’approche de Palo Alto dans l’Europe francophone.

© I. Bouaziz/Paradoxes © C. Gaudin/Paradoxes


Résumés des différentes présentations

Jean-Jacques Wittezaele :
La double contrainte, un concept fondateur

Il y a 50 ans, Gregory Bateson et son équipe publiaient un article intitulé Vers une théorie de la schizophrénie dans lequel ils exposaient le concept de la Double Contrainte. Cet article, très controversé dès sa parution, a néanmoins inspiré de nombreux chercheurs et cliniciens et reste fondateur à différents titres :
– il a légitimé une approche contextuelle de la maladie mentale et a marqué le début des thérapies familiales
– il a introduit les concepts de la cybernétique et de la théorie des systèmes dans le champ des sciences humaines en général et de la psychothérapie en particulier
– il a focalisé l’attention des cliniciens sur le rôle essentiel de la communication dans le travail thérapeutique, notamment la structuration de celle-ci en « niveaux d’abstraction »
-il amis en évidence l’aspect « injonctif » des messages, ouvrant ainsi la voie à une approche stratégique de l’intervention thérapeutique
– il a montré l’importance de l’épistémologie dans le travail clinique, soulignant la relativité des conceptions scientifiques et préparant ainsi l’introduction du « constructivisme » dans notre domaine
– il a jeté les bases d’une nouvelle psychologie dans laquelle la notion de « relation » est première

Jean-Jacques Wittezaele © Paradoxes

Jean-Jacques Wittezaele Docteur en psychologie, psychothérapeute, co-fondateur et co-directeur de l’Institut Gregory Bateson (IGB). Représentant du MRI pour l’Europe francophone. Formé à l’approche de Palo Alto par Paul Watzlawick, John Weakland et Dick Fisch, il enseigne la thérapie brève à Paris X et Paris VIII, à l’Institut de thérapie stratégique d’Arezzo ainsi qu’en Suisse et en Belgique. Il est l’auteur de l’Homme relationnel (Seuil) et co-auteur de À la recherche de l’école de Palo Alto (Seuil) et de Aide ou contrôle (De Boeck).


Wendel Ray et Molly Governer
La façon d’être cybernétique: nous sommes tous de vivants héritiers de l’équipe de recherche de Bateson

L’émergence, dans les années 1950 et 1960, de la théorie de la communication et de la thérapie familiale -telle qu’elle a été créée par ce que l’on appelle le groupe de Palo Alto – est de l’étoffe dont sont faits les mythes et les légendes. Derrière la légende, on trouve une abondance de travaux de recherche publiés, de données originales, de documents audio et filmés qui constituent la chair, le sang, les os et les tendons de la théorie interactionnelle comme paradigme alternatif pour comprendre le comportement humain et susciter le changement. S’appuyant sur de rares documents écrits, des photos, des enregistrements audio et filmés d’époque, cette présentation (utilisant le format du power-point) retracera la naissance et l’évolution de la thérapie familiale et de la thérapie brève. Elle abordera ses débuts, avec l’équipe de recherche de Gregory Bateson (Bateson, Don Jackson, Jay Haley, John Weakland, et William Fry), leur collaboration avec Milton Erickson et la création par Jackson de la première approche thérapeutique purement interactionnelle. On évoquera la création du premier Institut de thérapie familiale – le Mental Research Institute (MRI) de Palo Alto -, le premier programme de formation à la thérapie familiale au MRI. On abordera l’élaboration de la Thérapie Stratégique par Jay Haley, la création du premier modèle de Thérapie Brève par Richard Fisch, John Weakland et Paul Watzlawick. On évoquera également l’importante influence de ces idées du début sur des modèles d’intervention plus récents.

W. Ray, M. Govener © Paradoxes

Wendel Ray, Ph. D. Ancien associé de recherches et ancien directeur du Mental Research Institute (MRI) de Palo Alto, Californie, Wendel Ray est aujourd’hui professeur de thérapie familiale à l’Université de Louisiane à Monroe (ULM). Il est un expert dans le domaine de la théorie et de la pratique de la thérapie brève. Ses ouvrages et articles sont largement diffusés et il enseigne et anime de nombreux séminaires tant aux États-Unis qu’à l’étranger.

Molly Rebekah Govener, Ph. D. Diplômée de l’Université de Louisiane (ULM). La thèse de Molly Govener, « Leçons sur la façon d’être: les implications du projet de recherche de Bateson », est la première analyse en profondeur des 118 retranscriptions existant es des réunions de l’équipe de Gregory Bateson (Gregory Bateson, Don Jackson, John Weakland, Jay Haley et Bill Fry). Molly est psychothérapeute à Monroe, Louisiane.


Yves Winkin :
La réception de la notion de double contrainte en France

On le sait, Bateson estimait prématurée la publication en 1956 de « Vers une théorie de la schizophrénie ». Pendant vingt ans, il va s’efforcer de nuancer, de corriger, de reformuler la notion de double contrainte. Il ne sera guère suivi, encore moins compris. En 1975, il écrit une ultime définition pour une encyclopédie, mais n’envoie pas son article, qui reste dans ses archives : « terme flou qui désigne une classe de séquences expérientielles dont on peut croire qu’elles sont importantes en humour, en art, en religion, en maturation et dans la pathogenèse des syndromes psychotiques ». La notion arrive en France au début des années soixante-dix, portée à la fois par l’antipsychiatrie et par Une Logique de la communication de Watzlawick, Helmick-Beavin et Jackson, qui est publié au Seuil en 1972. Mais « Vers une théorie de la schizophrénie » n’apparaît en français qu’en 1980, dans le second tome de Vers une écologie de l’esprit. Et la définition de 1975, présentée au colloque de Cerisy en 1984 et publiée dans les actes en 1988, ne rencontre aucun écho. Si bien qu’on peut suggérer que deux longues chaînes de significations se sont mises en place au fil des années: l’une, très simple mais très appauvrie, est constituée de toutes les définitions fournies par les collaborateurs, commentateurs et vulgarisateurs, qui maintiennent pour la plupart la double contrainte dans l’espace de la psychothérapie; l’autre, très obscure encore mais riche de possibilités, a été construite par Bateson lui-même entre 1956 et 1975, qui tente désespérément de sortir la notion de son ghetto psychiatrique.

Yves Winkin se présente volontiers comme « cartographe de paysages intellectuels américains ». Il a ainsi introduit en France le courant de la « nouvelle communication » auquel est associé l’Ecole de Palo Alto; il a écrit la première biographie d’Erving Goffman et organisé le colloque de Cerisy consacré à l’héritage de Gregory Bateson. Longtemps à l’Université de Liège, il est aujourd’hui professeur à l’Ecole normale supérieure Lettres et Sciences humaines (Lyon). Dernier livre paru (avec E.Barchechath et R.Magli) : Comment l’informatique vient aux enfants. Pour une approche anthropologique des usages de l’ordinateur à l’école (Editions des Archives Contemporaines, 2006).


François Roustang
La double contrainte est-elle exportable ?

Si la théorie de la double contrainte éclaire les contextes relationnels pouvant engendrer des troubles mentaux graves, comme la schizophrénie, elle ne paraît pas adéquate pour rendre compte de phénomènes tels que l’art, la poésie, l’humour, etc. Le paradoxe est créatif mais la double contrainte devrait être limitée à la description de situations bloquées. La distinction en niveaux logiques – et notamment son application au processus d’apprentissage telle que Bateson l’envisage – se révèle riche d’ouvertures et de promesses. Elle permet notamment d’envisager le processus thérapeutique sous un angle intéressant tant pour le patient que pour le thérapeute. Permettre au patient de réaliser un apprentissage de niveau III reviendrait à faire éclater les certitudes faisant fonctionner les apprentissages secondaires qui l’emprisonnent. Pour cela, encore faut-il que le thérapeute puisse lui-même se situer au-delà des références, ne plus avoir de projet pour l’autre, arrêter de penser, être assis sur le vide en quelque sorte…

François Roustang © Paradoxes

François Roustang Après des études de philosophie et de théologie, puis de psychopathologie, François Roustang rejoint l’Ecole freudienne de Paris créée par Jacques Lacan en 1964. En analyse avec Serge Leclaire, il quitte l’ordre des Jésuites auquel il appartient et devient psychanalyste. Lorsque l’Ecole freudienne est dissoute par son fondateur, il délaisse progressivement son activité de psychanalyste pour s’intéresser, puis s’adonner exclusivement, à la pratique de I ‘hypnose. Son premier livre, Un destin si funeste, rencontrera un public au-delà du cercle des spécialistes et suscitera de nombreux et d’intenses débats. Il publiera notamment par la suite: Elle ne le lâche plus, 1980; Lacan, de l’équivoque à l’impasse, 1986; Qu’est-ce que l’hypnose, 1994; Comment faire rire un paranoïaque? , 2000; La fin de la plainte, 2000.


Véronique Servais
Éthologie et double contrainte – Ni mécanique ni rationnelle : la cognition animale dans une perspective relationnelle

Si Gregory Bateson a pu développer sa théorie de la double contrainte, c’est parce qu’il savait que tout message comporte deux aspects: le rapport et l’injonction. Ignorant ce fait, la plupart de nos modèles traitent la communication comme pur transfert ou échange d’information. C’est le cas aussi dans l’étude de la communication animale. Dans la première partie de mon exposé j’examinerai quelques études récentes portant sur les systèmes de communication animaux et je montrerai à quelles impasses et aberrations conduit le fait de ne pas prendre en compte la dimension relationnelle de la communication. Un changement est donc nécessaire. Je proposerai ensuite quelques pistes pointant vers le type d’éthologie cognitive qu’on peut élaborer à partir du point de vue relationnel. D’inspiration phénoménologique, cette éthologie cognitive construit des ponts vers la théorie de la cognition de F. Varela.

Véronique Servais Psychologue et Docteur en Arts et Sciences de la Communication, Véronique Servais enseigne les Théories de la communication à l’Université de Liège. En s’appuyant sur les travaux de Gregory Bateson, elle étudie les systèmes de communication homme/animal ainsi que la communication humaine dans une perspective évolutive. Elle a publié notamment « The report and the command. The case for a relational perspective in the study of human and animal communication », « Enchanting and enchanted dolphins. An analysis of human/dolphin encounters « , « L’empathie et la perception des formes dans l’éthologie contemporaine ». ln A. Berthoz et G. Jorland. L’empathie, « Enquête sur le ‘pouvoir thérapeutique’ du dauphin : Ethnographie d’une recherche ».


Claude Duterme
L’entreprise: contexte global, paradoxes locaux, souffrances individuelles

L‘entreprise, abordée comme système d’interactions, s’insère dans un contexte global (méta contexte) : les relations économiques, fondées sur une logique de régulation par feed-back positif. Ce contexte calibre les systèmes qui en dépendent; ils ne peuvent en tout cas l’ignorer. Les entreprises elles-mêmes peuvent être décrites en partie comme des contextes de compétition et de contrainte pour ceux qui y vivent. Le règne de l’objectif à atteindre – ce que Bateson a appelé les buts conscients – durcit encore le contexte même si, par ailleurs, il le clarifie en quelque sorte. Au sein de ce contexte, les individus et les groupes peuvent être confrontés à des messages de niveaux et de sens différents. Le quotidien du travail délivre une information de base pour les salariés: le proçess de production et les instructions qu’il doit suivre, ses marges de liberté qui s’agrandissent ou s’amenuisent, etc. Parallèlement se déploie un discours sur la responsabilité, la « citoyenneté d’entreprise », l’exercice de ses capacités d’autonomie pour la dynamique d’ensemble… Des exemples, du plus large au plus particulier, permettront d’identifier l’apparition de doubles contraintes effectives et leur conséquence sur les individus ou les groupes d’individus concernés (stress, mobbing, situations conflictuelles répétitives,…).

Claude Duterme Psychologue, psychothérapeute, membre de l’Institut Gregory Bateson. Depuis 1989, il est engagé dans des interventions (résolution de problème, accompagnement de changement) en entreprise sur des échelles individuelle (coaching), collective (accompagnement d’équipe) et organisationnelle. Les réflexions qu’il mène à ce propos se sont concrétisées notamment dans un livre ( La communication interne en entreprise. L’approche de Palo Alto et l’analyse des organisations. De Boeck, 2002). Formateur et associé de recherches à l’IGB il en est le représentant dans le Sud Ouest où il exerce, à côté de son travail en entreprise, ses activités de thérapeute, de superviseur et de formateur.


Mary Catherine Bateson
La double contrainte dans la communication internationale

Les messages contradictoires à des niveaux logiques différents se produisent dans toutes sortes de communications, et pourraient certainement être considérés comme une caractéristique nécessaire de l’expérience humaine. Par conséquent, si nous affirmons que les doubles contraintes sont liées à l’étiologie de la schizophrénie, nous devons soutenir que d’autres facteurs (peut-être biochimiques) rendent ces distorsions dans la communication nuisibles pour certains individus seulement, ou que différents résultats pathologiques se manifestent dans différentes situations, ou les deux. Cette présentation se focalisera sur la relation entre la double contrainte et les conflits internationaux, les mésententes, les mouvements xénophobes et terroristes ainsi que l’augmentation probable de réactions hostiles au fur et à mesure que la mondialisation amène les nations à toujours plus d’interdépendance et d’inéluctable intimité.

Marie-Catherine Bateson © Paradoxes


Mary Catherine Bateson, fille de Gregory Bateson et Margaret Mead, auteur et anthropologue culturelle, Mary Catherine Bateson vient de passer trois ans comme professeur invité à la Graduate School of Education de Harvard. Elle a écrit et co-rédigé de nombreux ouvrages et articles. Elle donne de nombreuses conférences aux Etats-Unis ainsi qu’à l’étranger et préside l’Institute for Intercultural Studies de New York. Elle a jusque récemment enseigné l’anthropologie et l’anglais à l’Université George Mason, où elle est maintenant professeur émérite. Elle travaille aujourd’hui comme chercheuse auprès du Center on Aging & Work/Workplace Flexibility au Boston College.


Irène Bouaziz
Vers une écologie de la double contrainte thérapeutique

Cinquante ans après, l’adjectif « thérapeutique » attaché à l’expression « double contrainte » n’est pas parvenu à en atténuer la connotation manipulatoire. Il est vrai que les mises en garde de Bateson sur l’illusion que la partie peut contrôler le tout, comme sur l’imprévoyance systémique, apparaissaient bien peu pragmatiques au regard des remarquables succès de l’utilisation du paradoxe en thérapie. Mais, au delà des interventions habiles et spectaculaires, n’est-il pas temps de revenir aux prémisses pour réfléchir à une façon écologique d’utiliser une stratégie de double contrainte thérapeutique

Irène Bouaziz Psychiatre, cofondatrice de l’Association Paradoxes. Formatrice à l’approche interactionnelle de Palo Alto à l’Institut Gregory Bateson de Liège de 1994 à 2001 et actuellement formatrice/responsable de formation à l’Ecole du Paradoxe.


Bradford Keeney
L’esprit de la double contrainte et l’épistémologie de l’illusionnisme

Les traditions illusionnistes de plusieurs cultures -le chamanisme des Boshimans du Kalahari, la pratique « contraire » (heyoka) des Lakotas et la psychothérapie de l’absurde -, seront présentées en tant qu’illustrations d’une épistémologie circulaire et souvent récursive. Nous appliquerons à ce savoir illusionniste la méthode théorique de Gregory Bateson, qui nécessite que l’on discerne entre différents niveaux d’abstraction et que l’on comprenne comment on peut jongler avec eux de manière aussi bien appauvrissante qu’enrichissante. Nous verrons en quoi la façon qu’a Bateson de démêler les niveaux d’abstraction, de communication et de contexte est complémentaire des pratiques déconcertantes des illusionnistes et des magiciens, des chamanes et des conduites de l’absurde: chacune saute sciemment (et souvent inconsciemment) par-dessus les catégories de la simple action, du contexte et du tissu transcontextuel. Nous considérerons la théorie de la double contrainte de la schizophrénie comme un mouvement instigateur de ce que Bateson a appelé plus tard « épistémologie de la double contrainte », ou de ce que l’on peut appeler aujourd’hui « esprit de la double contrainte ». Enfin, nous montrerons en quoi l’épistémologie de la communication et de la prestation illusionnistes est un magnifique exemple de l’esprit de la double contrainte, et un membre de la classe des énigmes qui ont diverti la pensée contemplative de Bateson.

Bradford Keeney, Ph.D. Le Docteur Bradford Keeney est un éminent spécialiste en études culturelles de la Ringing Rocks Foundation. Il a travaillé dans quelques-uns des centres de psychothérapie les plus réputés des Etats-Unis, notamment à l’Ackerman Institute de New York, le Karl Menninger Center de Topeka, ou encore la Child Guidance Clinic de Philadelphie. Il a par ailleurs dirigé plusieurs doctorats en thérapie familiale. Membre et superviseur agréé de l’Association américaine de thérapie du couple et de la famille et membre consultatif de l’Académie nationale des thérapeutes agréés, Bradford Keeney a donné des formations et des conférences partout dans le monde et a participé à plusieurs émissions radio et télévisées. Il est en outre l’auteur de nombreux ouvrages de référence et d’articles de presse dans le domaine de la thérapie familiale.


Deszoe Birkas
Le double lien de la peau et de l’esprit:la thérapie systémique brève pour l’eczéma atopique

La dermatite atopique, encore appelée eczéma atopique, est une affection chronique et inflammatoire de la peau caractérisée par de fréquentes poussées et un prurit intense, et représente le problème dermatologique chronique le plus fréquemment rencontré chez les jeunes enfants. Après la puberté, des symptômes persistent chez plus de la moitié des enfants affectés, dont certains développent également des allergies respiratoires. Cette présentation donne l’ébauche d’un premier modèle systémique de la dermatite atopique dans la perspective d’un traitement par la thérapie systémique brève. L’approche a été développée à partir de l’hypothèse que les problèmes sont maintenus par les tentatives de solution. Au cours de la manifestation initiale des processus critiques, ceux qui créent et renforcent les symptômes, un premier modèle de la dermatite atopique a été exprimé, qui sera certainement appelé à être ultérieurement corrigé et complété. (Par Deszoe Birkas (Université Semmelweis de Budapest) et Tiziana Verbitz (Centre de Thérapie Stratégique d’Arezzo).

Deszoe Birkas Docteur en médecine, Deszoe Birkas s’est spécialisé en psychiatrie. Il exerce comme médecin, est chargé de cours en psychiatrie à l’Université de Semmelweis (Budapest, Hongrie) et chercheur, notamment dans le domaine des allergies atopiques. Entre 2004 et 2006, il a dispensé de nombreuses formations à des psychiatres et psychothérapeutes sur la thérapie brève dans le traitement des allergies atopiques. En 2005, il fonde la Phobia Clinic à l’Université de Semmelweis, spécialisée dans le traitement de l’anxiété par la thérapie brève. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et donne régulièrement des conférences à travers le monde.


Mony Elkaim
La double contrainte dans les relations de couple

Le concept de double contrainte permet de faire émerger la configuration relationnelle de certaines problématiques de couple. Le désir d’amour conjugué à la peur de ses implications peut engendrer des doubles contraintes réciproques conduisant les couples dans des impasses frustrantes et douloureuses. Outre l’intérêt de la découverte de ces modèles relationnels par les patients dans la thérapie de couple, le thérapeute peut, à son tour, utiliser des « contre stratégies » paradoxales pour permettre aux patients de trouver des issues relationnelles aux problèmes rencontrés. Les secrets familiaux peuvent aussi se lire comme des doubles contraintes réciproques (les consignes verbales des parents interdisent l’identification des indices non verbaux contradictoires: on sent des choses qui sont explicitement niées et interdites) auxquels des enfants peuvent trouver une solution dans un passage à l’acte qui révèle le non dit par personne interposée et perpétue ainsi la structure du système familial.

Mony Elkaïm L’une des principales figures européennes de la thérapie familiale. Neuropsychiatre, directeur de l’Institut de la famille et des systèmes humains (Bruxelles), il enseigne à l’Université libre de Bruxelles et forme des psychothérapeutes en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis. Il est notamment l’auteur de Si tu m’aimes, ne m’aime pas (Seuil), Panorama des thérapies familiales (Seuil), A quel psy se vouer (Seuil) et, récemment, Comment survivre à sa propre famille (Seuil).


Teresa Garcia
Triades et dyades infernales, la double contrainte au quotidien

Teresa Garcia © Paradoxes

Les pièges relationnels sont omniprésents dans la vie quotidienne. Dans les situations familiales ou professionnelles, de nombreuses impasses peuvent être envisagées sous l’angle de paradoxes impliquant 2 ou 3 personnes. Dans cette présentation, seront abordées, notamment, des situations de couples en difficultés, des problèmes de harcèlement au travail, des troubles sexuels ou du désir, le racket, le cas d’enfants « hyperactifs »,… On envisagera également différents remèdes possibles pour apaiser ces enfers relationnels. C’est à un voyage dans notre quotidien paradoxal, le passé, le présent, le futur, le virtuel et le concret, que cet exposé vous convie. On examinera également la façon de dégager des structures qui rassemblent problèmes et stratégies de « solution ».

Teresa Garcia Psychologue, psychothérapeute. Co-fondatrice de l’Institut Gregory Bateson, elle est élève de Paul Watzlawick, John Weakland et Dick Fisch avec qui elle a collaboré pendant plus de 5 ans. Représentante du Mental Research Institute (MRI) pour l’Europe francophone, elle est aussi associée de recherche au MRI de Palo Alto. Spécialiste de la psychothérapie brève principalement avec des couples et des familles, elle a développé un modèle de négociation familiale brève et stratégique. Elle est co-auteur du livre A la recherche de l’école de Palo Alto, éditions du Seuil, et de plusieurs articles. Chargée de cours à l’Ecole de thérapie stratégique d’Arezzo, Italie, et directrice du centre de thérapie brève de Paris (IGB), elle pratique la thérapie brève depuis plus de 20 ans.


Giorgio Nardone
L’art de la double contrainte thérapeutique dans les thérapies stratégiques

La théorie de la double contrainte permet de mettre en évidence les patterns relationnels bloqués qu’il faut prendre en considération pour élaborer les stratégies de changement, notamment dans les problèmes de couple, d’anorexie et, bien sûr, dans les psychoses présumées.

De plus, ce type de structuration de la communication peut devenir un outil de changement tant dans la conduite d’entretiens stratégiques (les illusions de choix, par exemple) que dans la prescription de tâches thérapeutiques aux patients. Ces différents points seront développés et abondamment illustrés d’exemples cliniques.

Giorgio Nardone Reconnu internationalement comme l’un des thérapeutes les plus créatifs et les plus brillants de sa génération, Giorgio Nardone a apporté de nombreuses innovations dans le domaine des thérapies brèves. Elève de Paul Watzlawick, avec lequel il a fondé, en 1987, le Centre de thérapie stratégique d’Arezzo, il s’est intéressé au traitement des pathologies « lourdes », pour lesquelles il a élaboré des protocoles de traitement spécifiques. Il enseigne la thérapie stratégique dans diverses universités italiennes, donne des conférences à travers le monde et est également un auteur prolifique. Il a écrit, notamment, Peur, panique, phobies, L’art du changement, (L’esprit du temps), Manger un peu, beaucoup, à la folie (Seuil) et bien d’autres ouvrages traduits dans de nombreuses langues.

Table ronde (© Paradoxes)

Table ronde © Paradoxes

Les actes de cet évènement ont été publiés :

WITTEZAELE J.-J., (sous la direction de) : La double contrainte – Les paradoxes de Bateson en sciences humaines, De Boeck Université, Bruxelles, 2008

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