Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Communication à la septième journée de Rencontre de Paradoxes, 11 octobre 2008
Jean-Philippe Véron, psychologue, psychothérapeute, ostéopathe

Résumé : Il est un schéma bien connu des praticiens de l’approche de Palo Alto, celui de  la représentation cybernétique de l’interaction. Il est composé de deux boucles accolées : la première renvoyant à la façon dont la personne se représente son problème, la seconde comment elle est en interaction avec son environnement ; et de distinguer ce qui s’aborde sous la forme d’un recadrage (pour modifier la vision du monde) ou d’une tâche (pour modifier l’action).
Une tentative de solution est une action, un mouvement sur le monde (même l’immobilité apparente est un mouvement) qui appelle une réponse de l’environnement, l’ensemble (boucle récurrente) apporte de la souffrance. L’art du thérapeute est alors de rendre possible l’expérience d’un autre mouvement.
Le corps peut être lui aussi limité dans ses actions pour d’autres raisons (un “faux” mouvement, une entorse …) et, dans la façon de traiter ces problèmes, de curieux parallèles peuvent être faits avec le modèle de Palo Alto.
Lʼexposé va explorer comment il est possible de se rapprocher du patient en adoptant la position d’un “anthropologue somatique” et dʼidentifier ce qui est en tension, de questionner la notion de tentative de solution et de voir jusqu’à quel point elle est pertinente pour la thérapie manuelle, de comprendre une approche thérapeutique qui passe par une mise en tension “lente et progressive” et l’attente que de nouvelles solutions émergent.

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Jean-Philippe Véron © Paradoxes

Jean-Philippe Véron © Paradoxes


Un ami, présent dans cette salle et que je remercie pour sa sagacité, à qui je fis lire le projet de cette intervention pour Paradoxes me fit, entre autres commentaires, celui-ci, sans appel: «Avec les précautions et les limites que tu donnes à tes propos, on pourrait croire que tu ne soignes que les petits bobos! alors pourquoi te donner tant de mal?» Diable, la question fit mouche!

Effectivement, exerçant en cabinet, rares sont les véritables urgences, et quant aux cas les plus graves ils sont, fort heureusement et logiquement, adressés à l’hôpital. C’est un fait.

Néanmoins, j’imagine que ceux qui ici, tout comme moi, exercent en libéral observent régulièrement combien de petites désorganisations peuvent, à la longue, faire le lit de désordres beaucoup plus grands. Ce constat vaut aussi bien sur un plan somatique que psychologique, puisque mon activité professionnelle concerne ces deux aspects. La précocité de la détection et du traitement limite bien souvent la gravité… pourvu que le problème soit ressenti!

L’ostéopathie trouve sa popularité par l’utilisation de méthodes, souvent rapides, pour soulager les blocages du corps. Je vous propose aujourd’hui de parcourir les différents aspects par lesquels peut passer un traitement somatique lorsque le corps est en limitation de mouvement, et de faire certains parallèles avec la façon dont un thérapeute bref approche une situation thérapeutique.

La restriction de mouvement est le fil conducteur, mais pour le suivre un retour en arrière s’impose.

Tout commença l’hiver dernier. À cette époque, je cédai pour la première fois à une tradition locale de mon nouveau lieu d’habitation: le Pèle Porc. Avec des amis, nous avions acheté un cochon qui vivait alors sa vie de cochon sur les coteaux d’une montagne béarnaise. Un jour de janvier, l’abattoir fit son travail et ce pauvre animal nous fut rendu à l’état de carcasse… ne restait plus qu’à le cuisiner! Je revois encore, au petit matin, tout le groupe affairé dans la cuisine: certains s’occupant de la tête à mettre au bouillon, d’autres à préparer le boudin, d’autres encore à nettoyer les boyaux pour les saucisses et saucissons. La tâche qui m’incombait fut la découpe et je l’accomplis avec l’esprit rêveur et curieux qui me caractérise: tachant de séparer les pièces en respectant les fibres et les muscles, tentant de repérer les similarités avec l’anatomie humaine telle que je l’ai apprise, observant les articulations et les insertions des tendons, déçu de ne pas voir avec évidence les ligaments, défaisant les capsules articulaires pour là avoir plus de succès à repérer ces fameux ligaments, et puis de méditer sur l’extrême fragilité de ses tissus qui enrobent les muscles, mais aussi chaque partie du corps, qu’on appelle les fasciae: un coup d’ongle malencontreux les déchire avec une telle facilité, mais au contraire, la force de la main entière ne suffit pas à les arracher pour peu qu’on les prennent dans la direction de leurs fibres… Comme la nature est étonnante, faite de force et de fragilité! Toutefois, l’ampleur du travail me fit sortir de ma rêverie et le couteau eut moins de scrupules à tailler.

Pourquoi cette histoire?
Parce que pour soulager un blocage corporel une action va être engagée; et dans une action il y a la partie visible du geste (comment l’on se place pour le réaliser, en suivant quelle direction, en utilisant quelle force) et la partie invisible sans laquelle le geste serait impossible: il s’agit du ressenti, des sensations internes, des informations proprioceptives.

En première analyse on pourrait penser qu’il s’agit là d’un simple distinguo, entre activité motrice et activité sensible, tel qu’on le décrit en physiologie neuromusculaire, mais je voudrais montrer en quoi ce découpage a quelque chose de plus global. Ensuite, nous allons voir comment ces aspects concernent les deux acteurs de la situation thérapeutique.
Regardons les choses comme elles arrivent dans la vie quotidienne quand on se blesse: imaginez-vous dans un train à vouloir placer un objet lourd dans l’espace réservé au dessus des sièges, et au même instant le train démarre – crac! Ou encore, à se baisser pour soulever un objet qu’on pense léger et qui se révèle être tout le contraire. Dans les deux cas une lésion (de flexion ou d’extension) et ce qu’elles ont de commun c’est l’arrivée d’un inattendu au milieu d’un mouvement anticipé et programmé automatiquement par le cerveau. Au choc va succéder un déséquilibre (une mauvaise communication entre neurones sensibles et neurones moteurs) et un neuromécanisme va activer la réponse locale d’un muscle dont l’effet sera de maintenir la lésion.

À la palpation, les sensations sont très nettes: lorsque l’on mobilise l’étage en question, d’un côté le mouvement est facile, de l’autre il est retenu (on parle d’une barrière). Pour le traitement deux options: soit on force la barrière, soit on va là où le mouvement est facilité. Plusieurs techniques sont à la disposition du thérapeute. La plus ancienne et la plus connue est une technique de manipulation où il s’agit de surprendre les capacités de réaction du système nerveux en proposant un mouvement rapide et de petite amplitude du côté inverse à la tension (ça fait crac!). Une autre technique consiste, à l’inverse, à aller dans le sens du raccourcissement musculaire, lentement, avec insistance et d’attendre une nouvelle réponse somatique (le relâchement tonique apparaît dans les deux minutes). Une autre encore consiste à aller aussi dans le sens inverse de la tension musculaire, mais cette fois-ci de façon lente et progressive, en accumulant les tensions de façon à obtenir un étirement de muscle et le relâchement de celui-ci. Une quatrième consiste à aller à nouveau dans le sens de la tension musculaire, mais cette fois-ci en mobilisant l’ensemble du corps afin de trouver une position antalgique totale, et à attendre. Une dernière (et cette liste est loin d’être exhaustive) où l’on va demander au sujet de participer, c’est à dire d’activer la contraction musculaire, le thérapeute plaçant des points d’appui successifs qui rendront possible l’allongement du muscle.

Si l’on regarde cette situation avec des yeux systémiciens, on pourrait dire que face à un événement imprévu le corps trouve une nouvelle adaptation, une solution. Le problème c’est que cette solution fait apparaître un symptôme: une restriction de mobilité plus ou moins importante, accompagnée éventuellement de douleur. Cette boucle récurrente qui conduit de la tension musculaire à la douleur fait penser à ce qu’un thérapeute bref appelle une tentative de solution. La transition est osée car bien sûr les choses ne se placent pas au même niveau.

Conservons toutefois l’image et exploitons-la: d’un côté le corps donne le sens de la résolution douce (aller vers le symptôme), de l’autre celui d’une solution dure.

Une succession de questions se posent alors.
Tout d’abord, en thérapie brève, une tentative de solution est un acte volontaire visant à résoudre un problème auquel un individu est confronté. Dans le cas d’une lésion somatique, telle que nous venons de la voir, peut-on parler de volonté quand il s’agit d’un muscle qui, dans la très grande majorité des cas fait partie justement d’un système fonctionnel dont la caractéristique est d’être automatique et pas contrôlable par la volonté?

C’est donc un automatisme qui s’est mis en place. Mais, à bien y réfléchir, n’en est-il pas de même au fond pour une tentative de solution?

Benjamin Libet, un chercheur américain a, dans les années 80, mis en évidence un phénomène qui fit couler beaucoup d’encre: il demandait à des sujets d’effectuer un geste simple (appuyer sur un bouton avec l’index) et de signaler le moment où ils décidaient de réaliser le geste. Le résultat est édifiant: le geste précède la décision d’environ 350 millisecondes!

Il semble donc que notre cerveau ait déjà un nombre de programmes moteurs potentiellement activables: certains prédéfinis (comme dans le cas du blocage musculaire), d’autres fruits de nos gestes, de nos habitudes.

Cet exemple me laisse penser que mettre en œuvre une solution nouvelle demande un effort et, la performance du thérapeute étant alors de faciliter l’expérience de nouvelles actions et donc de respecter le rythme propre de la personne qui vient consulter.

En second lieu, la question du positionnement du thérapeute. L’histoire du blocage témoigne que de quelque façon qu’on s’y prenne (dans un sens ou bien dans un autre), ça fonctionne: de quoi rester humble face à une méthode de travail qui n’est ni mieux ni meilleure qu’une autre! Néanmoins, le thérapeute est, par définition, placé dans la situation thérapeutique, ne lui reste plus qu’à définir la direction de son action, et l’intensité de celle-ci, avec cette contrainte: être trop doux et risquer l’inefficacité, être trop présent et faire à la place de l’autre. Il me semble que cette question relève autant des choix personnels que des situations et de leur urgence.

L’illustration qui vient d’être donnée apporte un éclairage sur ce qui se passe à un niveau local (celui d’une articulation) quand un geste malheureux se produit. Ces traumas trouvent bien souvent leur place dans un déséquilibre plus global du corps: c’est de notre posture qu’il s’agit. Explorons maintenant cet aspect.

Si nous héritons d’un biotype à la naissance, l’usage de notre corps (les gestes que nous apprenons à faire, ceux que nous privilégions, ceux qui nous sont imposés par la culture, le groupe auquel nous appartenons, ou notre travail…) modèle notre forme et notre attitude générale. Nos gestes témoignent de notre histoire, de la façon dont nous connaissons, ignorons et/ou utilisons notre corps: quels groupes musculaires ou chaînes musculaires activons-nous de façon privilégiée, comment le corps s’adapte-t-il à ses choix?

Bien sûr par l’équilibre tonique entre agonistes et antagonistes, mais surtout, grâce aux fasciae qui enveloppent toutes les parties du corps. En effet ces tissus donnent un contour souple et adaptatif, mais aussi une limite parfois rigide: il y a là à la fois l’effet du temps et des forces exercées (les tensions rendent les tissus plus durs, plus fibreux, rigides). La caractéristique élastique des tissus, suivant les adaptations constantes depuis le début de notre vie jusqu’à maintenant, détermine notre forme générale et le contour particulier, reconnaissable qui est le nôtre: c’est un peu notre signature, notre individualité corporelle.

Donc, par nature, nos gestes nous déséquilibrent, ce que nous ne ressentons pas puisque le corps envoie généralement une information qui est interprétée: fonctionnement interne normal, habituel. C’est sur cette nature en équilibre déséquilibré que surviennent les incidents dont on vient de parler précédemment, ou qui les rend possibles et réguliers.

Face à la douleur, à sa chronicisation, la question devient comment apporter un changement dans nos repères intéro et proprioceptifs de façon à modifier notre posture?

En utilisant simplement la logique par laquelle le problème se construit: si un fascia est sensible à la direction d’une tension, il suffit de lui en proposer une autre. Effectivement, le mécanisme de création des fibres résistantes est réversible: si la tension s’exerce dans une autre direction, les premières fibres seront transformées, métabolisées, pourvu que la force exercée soit adéquate. On y parvient avec des étirements lents et progressifs, en appliquant une tension qui soit proportionnelle à l’élasticité des fibres (plus les fibres sont lâches plus le geste est léger, plus elles sont rigides plus la tension est présente).

Ce processus est d’autant plus long que les tensions pathologiques sont installées depuis longtemps, et les changements ne s’observent qu’avec une participation active de la personne. Là encore, la façon particulière avec laquelle le thérapeute est présent dans ses gestes conditionne la façon avec laquelle le patient va expérimenter quelque chose de nouveau. Il s’agit de trouver l’équilibre ténu qui permet à l’autre de sentir que quelque chose de lui se fait par lui, sans trop en faire soi-même.

Dans mon esprit, le travail sur les fasciae influe directement sur le schéma corporel et la conscience de soi: là où le corps se perçoit bien, c’est à dire comme d’habitude, en modifiant l’activité de certains propriocepteurs, une petite différence peut être relevée, un changement dans la posture et l’équilibre du corps (pourvu que l’on ait préalablement attiré l’attention de la personne à porter un regard interne, à ce qu’elle ressent). C’est un peu comme un recadrage en thérapie: là où le regard sur le monde est assuré, juste amener l’élément qui ouvre une nouvelle perspective.

Et l’on sait combien les changements peuvent être importants par la suite en offrant la possibilité de réaliser différemment les gestes, d’exploiter autrement les ressources du corps dans les mouvements (les techniques sont nombreuses: méthode Alexander, Feldenkrais, Fasciathérapie, Body Mind Centering…).

Si l’objectif plus global d’un travail somatique est d’ouvrir l’éventail des mouvements, des comportements possibles, le passage obligé est celui du ressenti: contacter une limite, puis faire l’expérience d’une amplitude nouvelle. C’est la sensation qui rend possible l’effectuation d’un nouveau geste volontaire.

D’ailleurs, notre cerveau est préparé à ceci. Jean-Pierre Roll, qui est directeur de recherche à l’université de Provence, a montré à travers plusieurs protocoles expérimentaux que l’information proprioceptive qui donne au cerveau l’impression du mouvement c’est l’allongement des muscles. Autrement dit (et même si un geste est un processus complexe de contrôle entre fibres agonistes et antagonistes), quand on fait un mouvement le cerveau est moins intéressé par ce qui se contracte (fait) que par ce qui s’allonge (ressent). Donc pour être dans la capacité de faire de nouveaux mouvements, de nouveaux gestes, il faut préalablement être à l’écoute de ce qui change dans le ressenti. Le thérapeute doit alors éduquer son geste afin de favoriser, chez le patient, l’attention à soi, le ressenti.

Mais si ce genre d’information est déterminant pour le patient, qu’en est-il pour le praticien?
Il en est bien entendu de même. Une illustration: je suis certain que beaucoup d’entre vous connaissent déjà les ateliers proposés par Paradoxes et de se rappeler de cet exercice régulièrement proposé – le jeu de l’anthropologue. Celui-ci consiste à laisser quelqu’un parler d’un sujet qui lui est personnel et de le questionner comme s’il était un extraterrestre; comme si son langage était inconnu et qu’il faille découvrir le sens de chaque mot prononcé. C’est édifiant ce que l’on apprend sur soi dans cet exercice: de notre écoute, de nos courts-circuits intellectuels, des représentations personnelles que l’on plaque sur le discours de l’autre… Dans le travail somatique il peut en être de même: assez rapidement, on peut transformer la personne qui est allongée sur la table en une vulgaire planche d’anatomie! Et de laisser les mains agir en raison de la représentation que l’on a des os et des muscles. Si nos connaissances sont utiles à l’élaboration de notre jugement elles peuvent être vite encombrantes pour avoir l’attitude juste et le geste thérapeutique. Et tout comme de se laisser surprendre par la façon dont une personne utilise le langage pour s’exprimer, la main peut-elle se laisser surprendre par le contact, écouter des informations nouvelles, et laisser émerger les axes de tensions.

Il y a là, à ce point, une transition méthodologique qui me paraît importante: c’est la question de qui agit dans le traitement manuel. La première partie de ce qui a été dit peut laisser entendre que c’est le thérapeute qui opère, ou manipule. Dans la seconde, il apparaît que l’on en demande un peu plus à la personne qui consulte, ne serait-ce que par une attention orientée. Ce choix relève du thérapeute qui se place comme le moteur du traitement ou bien comme un participant, voire un observateur. Chacun ici a pu, je l’imagine, avoir des expériences bien différentes en ce domaine.

Pour ma part, j’ai choisi de faire de ces situations thérapeutiques des occasions d’apprentissage pour la personne qui souffre: transformer la consultation en un moment où les conditions d’un nouvel apprentissage sont établies. Pour cela, il suffit simplement de demander de l’attention à ce qui est ressenti (dans un autre contexte on dit focaliser l’attention) et de suivre trois principes: aller lentement, suivre les directions de tension du corps et attendre.

Aller lentement, c’est s’assurer que le cerveau soit présent à ce qui se passe (et donc que l’on ne surprenne pas avec une technique qu’il n’a ni sentie ni comprise). Suivre les directions de tension, c’est à la fois avoir accès à l’activité neuromusculaire inutile (le spasme musculaire) et à l’inverse étirer les fibres (pour libérer de nouvelles informations proprioceptives). Enfin, attendre, c’est placer la main au point maximum de la tension (un peu comme le surfeur qui reste sur la crête de la vague) avec une écoute et une confiance que le corps va trouver sa nouvelle adaptation.

Sans doute, certains voient déjà des fils identiques à ceux utilisés en psychothérapie: arrêter les solutions qui ne marchent pas, changer la vision du monde, favoriser la clientélité (pardon pour le néologisme)… Forcément, je suis influencé par la thérapie brève me direz-vous, et c’est vrai, il ne peut en être autrement. Il est sûrement différentes façons d’envisager une position de thérapeute quel que soit le sujet auquel on s’intéresse.

Aujourd’hui j’ai centré mon intervention sur les désordres dans les mouvements du corps, partant d’un dysfonctionnement local, et d’élargir à des aspects plus globaux, posturaux. Dans mon esprit, c’est un peu comme des cercles concentriques (ou des poupées russes), le niveau suivant étant celui des interactions avec l’environnement: les intentions que nous avons, les échanges et les relations avec nos proches et nos congénères, et plus largement encore les interactions avec tout notre écosystème.

À chaque niveau la spécificité de son mode d’intervention. Ceci dit, trouver le bon niveau d’action n’est pas forcément la chose la plus aisée, tant souffrance physique et souffrance psychique peuvent être présentes en même temps… mais pas forcément liées.

Pour avancer vers la conclusion, je voudrais vous soumettre cette pensée qui va forcément trouver chez vous un écho puisque vous vous intéressez à la thérapie brève. La voici: «La solution d’un problème humain ne s’effectue jamais par une réponse à la question du pourquoi. Elle exige de faire cesser la réflexion sous peine de s’y empêtrer. Car une telle solution n’est pas de l’ordre de la pensée réflexive; elle est de l’ordre de l’action.»

Je pense que certains auront déjà reconnu le style particulier, et donc l’auteur, il s’agit de François Roustang (Savoir attendre pour que la vie change – p. 112). Dans une pratique de psychothérapie qui se réfère au modèle de Palo Alto, une telle phrase apparaît comme une évidence.

J’espère avoir montré qu’en restaurant la mobilité du corps, le même objectif est poursuivi.

Je dois beaucoup à la thérapie brève et notamment dans la façon de se positionner dans la relation thérapeutique: faire la différence entre son regard sur les choses et ce qui est utile à la relation d’aide, écouter ce qui est demandé, le questionner, et partir de là.

Pour terminer, je voudrais vous rappeler cette histoire écrite par Tchouang Tseu et merveilleusement traduite par Jean-François Billeter, celle du charron Pien qui interpelle le Duc pendant sa lecture (Leçons sur Tchouang Tseu – p. 23). Chargé d’expliquer son insolence, il ne put dire que ce qu’il avait appris de son métier: «Entre force et douceur, la main trouve et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis exprimer par des mots»… l’intégration sensitive de nos expériences rend effectivement le geste plus sûr et plus adapté… ce que nos paroles essayent de traduire maladroitement!

© J.-P. Veron/Paradoxes

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