Thérapie Brève et Intervention Systémiques (modèle de Palo Alto)

Communication à la XVIème journée de Rencontre de Paradoxes, le 7 octobre 2017
Lise-Hélène Cortes, consultante, coach

Parler de l’absentéisme en entreprise revient généralement à partager des chiffres, opposer des visions du monde tranchées, parfois évoquer une épidémie, ou affirmer que telle ou telle action règlerait le problème, sans toujours obtenir toutefois des évolutions tangibles ou durables…
Face à un mot finalement si peu défini, je vous propose de chausser les lunettes de l’intervention systémique paradoxale pour explorer différentes vignettes de cette « réalité » au sein d’un gros système et, peut-être, tenter d’autres modes d’intervention. »

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L. CortesJ’interviens depuis un peu plus d’un an dans le cadre de mon cabinet VIVASYS comme consultante et coach afin d’accompagner mes clients à trouver leur force et un nouvel élan dans des contextes de changements complexes.
Auparavant, j’ai œuvré plus de 20 ans à accompagner les évolutions d’un grand Groupe, en tant que consultante interne, manager opérationnelle, cheffe de projet, responsable qualité de vie au travail, puis coordinatrice santé sécurité du Groupe. Je viens aujourd’hui vous parler de la manière dont l’intervention systémique paradoxale, à laquelle j’ai commencé à me former en 2008 à l’Ecole du Paradoxe, m’a permis de faire évoluer les démarches autour de l’absentéisme dans ce Groupe.

Préambule
Quand l’on parle d’absentéisme, que ce soit dans l’actualité ou dans les entreprises, cela est généralement associé à :

  • des chiffres dont on regarde les oscillations à la loupe, sans pour autant savoir toujours ce qu’ils recouvrent précisément
  • des opinions très tranchées sur le coupable, les causes, différentes voire contradictoires selon qu’on est manager, salarié, RH, médecin du travail, ou responsable syndical.

Dans le même temps, les équipes vivent au quotidien l’impact des absences sur le travail, partagées entre solidarité et agacement.

Alors, l’absentéisme, quelle définition ?
Une recherche donne les résultats suivants :
Larousse : « Fait d’être absent du lieu de travail, de l’école, d’une réunion, d’une assemblée, de tout lieu où pour des raisons de travail, de participation à une action, etc. la présence est obligatoire. ».
Implicite : toute absence est une absence « de trop ».

Wikipedia : L’absentéisme est le fait d’être absent de manière habituelle ou systématique du lieu de travail ou d’études.
Implicite : Toute absence ponctuelle est « acceptable »

Le réseau ANACT/ARACT : L’absentéisme caractérise toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradation des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances de travail, mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé etc. »
Implicite : L’absentéisme peut être totalement éradiqué par l’action de l’employeur.

On peut constater qu’il n’y a pas de définition précise, objectivable, ni partagée. D’autant qu’en pratique, dans les études qui sont publiées, on compte parfois des choses aussi diverses que les absences maladie, les absences injustifiées, et les congés parentaux.
Dans le Groupe dont je vous parle, le premier travail a consisté à définir ce que nous allions compter, pour homogénéiser les indicateurs et disposer de chroniques fiables. En France, l’indicateur que nous avons choisi décompte les absences sur certificat médical.

L’absence sur certificat médical est issue d’un processus complexe.
Le salarié qui au saut du lit se sent patraque, pèse différents éléments d’une manière plus ou moins consciente (état de santé, nécessité de consulter, importance de sa présence au travail, contraintes du trajet et du travail, ambiance, envie d’y aller, image vis-à-vis des membres de la famille…) et décide d’aller ou non chez son médecin, de lui « raconter son histoire » de telle ou telle manière.
Le médecin, sur la base de ses connaissances, de son expérience, de ses convictions, et de ce que le salarié va dire de son état, de son contexte personnel et de travail, va décider de l’intérêt ou pas de l’arrêt maladie.
Le manager n’est pas sensé savoir de quoi il s’agit, secret médical oblige (en France en tous cas).
Le médecin du travail n’a quant à lui pas toujours connaissance de l’arrêt.

Il n’y a donc rien que l’employeur puisse absolument maîtriser. Par contre, il a effectivement une capacité d’influence sur le point de vue du salarié, dans le « bon » comme dans le « mauvais » sens, et donc sur ses absences. Et il dispose d’une capacité d’organisation du travail qui peut modifier les conséquences des absences.

L’apport du Modèle de Palo Alto
Les prémisses du modèle de Palo Alto nous offrent la possibilité de décrire ces situations complexes d’une manière particulièrement intéressante et ainsi d’agir de manière plus ajustée.

  • Systémique : on va s’intéresser aux interactions au sein du système, aux injonctions qui y sont échangées.
  • Constructiviste : Il n’y a pas de réalité objective, il y a des constructions de la réalité qui « fonctionnent » plus ou moins bien pour résoudre les problèmes.
  • Non pathologisant : on ne va pas s’occuper de trouver « la bonne étiquette », ni le coupable.

La problématique
Dans sa politique santé sécurité, sur la base d’un chiffrage des coûts induits par l’absentéisme et d’une étude mettant en évidence les disparités entre Métiers, entités, voire équipes de même activité, le Comex du Groupe décide dans sa politique santé sécurité de réduire en 2 ans d’1 jour le nombre moyen de jours d’absence maladie et accident qui était stable depuis des années.
Le Groupe rassemble de nombreux métiers et des contextes très différents : industrie, services, fonction supports, systèmes sociaux de différents pays.  Sur une grande part de la population du Groupe en France, la situation est plutôt favorable : régime protecteur, médecine du travail présente, bon dialogue social. Beaucoup d’actions sont réalisées. D’ailleurs, le niveau d’absence moyen est plutôt bon par rapport aux chiffres des études. Certains métiers sont tout de même en difficulté, le niveau d’absence dans certaines équipes posant problème pour l’activité, l’ambiance de travail, et les coûts.

Un an plus tard, rien n’a bougé :

  • Ceux qui avaient commencé à travailler cette problématique depuis plusieurs années car leur secteur présente beaucoup d’absences continuent à expérimenter des actions, sans toutefois avoir trouvé le Graal.
  • Les entreprises/directions/entités ayant des absences importantes et n’ayant pas démarré de manière construite ne voient pas comment prendre le problème.
  • Les autres se disent qu’elles n’ont pas ce problème.

Un besoin d’appui structuré émerge des sociétés et directions.

Quels sont nos leviers d’actions dans le système ?
Dans un système hiérarchique, l’injonction du président génère une importante mobilisation des managers pour obtenir le résultat escompté. Cette force de mobilisation peut être efficace, si ce que font  les acteurs en présence pour y répondre est adapté à la situation problématique, mais si l’action est inadaptée  cela peut aggraver un problème existant ou en créer un là où il n’y en avait pas forcément.
Je suis à ce moment-là dans l’équipe Santé Sécurité du Groupe, et en charge de la coordination santé sécurité France. Nous n’avons, et n’aurons pas de ressources complémentaires ni aucun levier d’action directe.
Face à l’enjeu et au risque potentiel, je fais alors le pari un peu fou de concevoir une démarche Groupe, qui pourrait influencer les acteurs dans leur gestion des situations locales, collectives et individuelles, par des outils qui doivent donc être simples, évidents, pratiques d’utilisation. L’idée est de profiter de l’intérêt soulevé par l’injonction à baisser les absences pour aider une meilleure « gestion » locale des situations problématiques dont l’absentéisme » peut être un indicateur. Certains de mes collègues me soutiennent dans l’aventure.

Nous disposons pour cela de 3 atouts :
1) L’accès direct ou indirect à une multiplicité de situations problématiques étiquetées de causes différentes : management, maladie, situations individuelles difficiles, conditions de travail, changements mal vécus, présentéisme, défaut d’engagement etc.
2) Un réseau d’acteurs motivés et compétents qui ont des positions différentes dans le système: responsables santé sécurité des différents métiers , médecins du travail, DRH, responsables opérationnels de tous niveaux, et auprès desquels nous avons du crédit car nous avons développé une relation de support et d’appui qu’ils estiment utile, et des travaux multidisciplinaires de qualité.
3) Les « outils » de la musette palo-altienne :
– La conscience aigüe de l’importance du contexte
– Le décryptage du système et des boucles interactionnelles pertinentes
– La grille palo-altienne : problème, objectif, tentatives de solutions, Les visions du monde (implicites et explicites)
– L’attention à la position des acteurs : qui veut changer quelque chose, et est donc prêt à agir autrement
– Une posture d’intervention « basse »  , basée sur la conviction que les personnes ont les ressources pour faire face aux situations, et qui permet, à défaut d’abandonner toute opinion sur la situation, d’accepter de la mettre de côté pour aider au déblocage des situations.

Une démarche et une posture inhabituelles
La manière classique de piloter l’atteinte d’un objectif Groupe est en général la suivante : Le niveau central répartit l’objectif sur tout le monde, le notifie, le pilote. On identifie les « bonnes pratiques » à un endroit où les chiffres sont bons et on enjoint les entités en difficulté à les appliquer. Ce qui est valable sur des problèmes peu complexes, se révèle inadapté avec l’absentéisme. La multiplication des actions sans avoir identifié correctement le contexte, le problème, les acteurs, produit parfois des résultats à court terme mais ceux-ci ne durent pas.

Nous décidons de faire autrement :
-Nous « freinons » dans un premier temps le mouvement vers l’objectif en constatant officiellement l’absence de résultat, en prolongeant de trois ans la durée pour atteindre l’objectif et en posant la nécessité pour chaque entité de réaliser un état des lieux préalable pour déterminer dans un deuxième temps un objectif qui sera réaliste.

Des outils simples à la disposition des acteurs du système
Nous construisons et mettons à disposition 3 types d’outils :
– un bilan statistique pour éclairer les entités sur leur niveau d’absence. En effet, si l’on admet que l’absence ou la présence est un comportement, on peut tenter de mettre en évidence, en utilisant correctement les statistiques, dans des activités proches de taille suffisante, si les comportements observés sont significativement différents. Cela permet d’identifier les endroits « à problème » et d’éviter de perturber des situations saines.
– Nous diffusons aux acteurs en charge du sujet, et aux experts une démarche de questionnement, pour commencer par identifier le « problème dans son contexte », les acteurs prêts à bouger, les leviers d’action, et en définissant un objectif minimal.
– Nous sensibilisons l’ensemble des acteurs en présence via une communication régulière santé, un e-learning dédiés aux managers, des guides spécialités sur telle ou telle thématique, la semaine santé sécurité Groupe afin de faire évoluer la « vision du monde » et de faciliter le dialogue multidisciplinaire indispensable.

Ces 3 outils concrets sont développés dans une démarche ‘agile’, c’est-à-dire en associant directement des experts, des représentants des « utilisateurs finaux » de manière à construire, expérimenter directement, ajuster, livrer assez vite, et implémenter durablement des outils peu chers et directement utilisables.

L’outil statistique
L’outil statistique permet  en deux pages de graphiques simples
– de mesurer le caractère « normal » ou pas en terme statistique bien sûr de comportements d’absence en fonction de l’âge, du sexe et de la catégorie socio-professionnelle ;
– de mettre en évidence ce qui peut relever du niveau moyen de santé/ engagement/ qualité de vie au travail versus ce qui a trait aux « situations individuelles »
– d’observer si des comportements d’absence s’éloignent de la saisonnalité généralement observée et de faire le lien avec les événements qui peuvent l’expliquer (changements en cours ou à venir, période de challenges forts).  

Il apporte en lui-même plusieurs effets.
Recadrage :
– Le temps passé autour des situations individuelles compliquées, devient « acceptable » quand on voit que 30 à 50% des jours d’absence tiennent à quelques situations, alors qu’il est souvent vu comme un temps « perdu » au détriment d’autres activités
– Il met en évidence l’impact de la composition de la population et permet de ce fait d’intégrer de la connaissance sur les liens entre santé, âge, contexte professionnel etc. et de prendre du recul sur ce qui peut être changé ou pas.
Entrainement au questionnement, à l’observation, à la prise en compte du contexte :
– Tous les paragraphes sont intitulés par des questions à se poser, de manière à pousser à la réflexion, plutôt qu’à la « réaction », sur le contexte
Facilitation de relation entre des fonctions qui ont du mal à communiquer, car leurs points de vue divergent
– Ce bilan a vertu à être partagé entre les acteurs, et donc à permettre un dialogue multidisciplinaire de qualité.

Le questionnement
Le questionnement est destiné aux responsables RH, aux experts de ces sujets dans les Métiers et au cabinet de conseil interne spécialisé en RH.
Cette démarche met l’accent sur différentes dimensions :
– Lecture systémique de la situation
– Caractérisation de la « zone à problème » – identification des interactions problématiques
– Implication des décideurs au bon niveau en fonction des problématiques mises en évidence.
– Travail sur la vision du monde
– Elle agit également sur la posture de l’expert qui retrouve des leviers d’actions pour interroger la situation, questionner les responsables sur la capacité à atteindre l’objectif dans le contexte.

Le e-learning destiné aux managers de proximité.
Il met en scène des personnes dans leur environnement de travail vivant une situation où la maladie/ l’absence s’invite dans le quotidien du travail : salarié malade appelant pour prévenir, ou venant au travail, ou qui n’appelle même plus quand il est absent.
Cet outil présente l’enchainement des faits, le détail des interactions, met en évidence les différentes réactions les plus souvent constatées des managers de proximité, et leur impact sur la relation avec le salarié, l’équipe, à court et à moyen terme. Il propose d’autres modes d’interactions.
Il permet de donner des éléments d’information ; de montrer la complexité des situations, d’identifier l’influence dans ce cadre du dialogue avec le salarié, avec l’équipe.
Il montre aussi que cette influence est limitée, et que le manager ne pourra agir seul.
Cet outil peut être utilisé en individuel, il est également puissant en collectif pour animer un dialogue entre managers, car il permet de sortir du tabou, de partager des situations, de tester d’autres idées et moyens d’agir.

Une influence progressive sur la culture et les pratiques
Le travail en collectif avec des acteurs issus des différentes parties de l’organisation et de différents rôles a permis de transmettre en profondeur les points clés de cette nouvelle façon d’agir autour de l’absentéisme.
Les vignettes ci-dessous illustrent la méthode sur différents cadres d’intervention.

Vignette 1 : impact de la posture du manager de proximité
Un manager de proximité me contacte car elle ne sait pas quoi faire : ses chiffres d’absentéisme ne sont pas bons, et plus elle essaie d’agir, moins elle y arrive. Sa DRH l’interroge de manière insistante sur son mode de management.
Elle me décrit la situation :
Dans sa petite équipe d’une dizaine d’experts, deux personnes ont des absences fréquentes, une qui est porteuse d’un handicap, et l’autre qui vient d’avoir un problème cardiaque. Depuis cet épisode,  il est très fatigué et supporte de moins en moins le stress des échéances qui est très prégnant dans son métier. La manager de l’équipe est perplexe. Elle veut bien faire, est très embarrassée pour discuter de la situation avec eux, se sentant tiraillée entre ses objectifs et ses valeurs. Par ailleurs, l’équipe commence à avoir du mal à assumer la charge, cela crée des tensions.
Nous explorons les faits, la situation de ses salariés, le mode de travail, les interactions et regardons ce qu’elle peut faire pour améliorer les absences de son équipe ? Et bien rien , elle n’a précisément aucun levier d’action sur ces absences:
– ni une baguette magique pour faire disparaître la maladie ou le handicap,
– ni la possibilité décider à la place de son collaborateur s’il prend sa retraite ni l’envie de l’y pousser.

Le « problème d’absence » se transforme en « difficulté à gérer l’activité avec les absences de ses collaborateurs ». Face à cela, elle va :
– mettre en place les partages de fichiers et l’organisation nécessaires pour reprendre au pied levé l’activité de l’un ou de l’autre en cas d’absence,
– accueillir l’absent à son retour pour faciliter sa reprise,
– discuter en équipe de la situation en posant cette solidarité comme faisant partie du cadre de l’équipe

Dans sa relation avec sa DRH, elle va interroger celle-ci sur l’appui qu’elle peut lui fournir dans cette situation, en matière de ressources.
Elle ressort de l’entretien soulagée. Elle va pouvoir respecter la situation liée à la santé de ses salariés, en tout cas ne pas la détériorer. Quelque temps après, son collaborateur décide de prendre sa retraite.

Vignette 2 : Illustration de l’usage des outils développés sur la démarche absentéisme d’une direction support
C’est une direction dont les salariés ont en moyenne deux jours de plus que le reste du groupe. Elle est donc « sous le feu des projecteurs » pour cet indicateur dégradé.
Nous organisons un rendez-vous spécifique avec le DRH, la responsable du pilotage RH, la responsable santé sécurité, qui est aussi responsable qualité de vie au travail. Ils sont un peu perplexes, et veulent voir si d’autres pistes peuvent être explorées.
Un très gros travail sur les situations individuelles a été réalisé, suite à des réorganisations importantes qui ont changé le métier des acteurs, de la réalisation au contrôle de la sous-traitance, situation difficile à accepter pour certains salariés. Bien sûr, toutes les situations ne sont pas liées au travail, la maladie est présente.
Nous nous mettons d’accord sur le fait qu’ils seront parmi les premiers à bénéficier de l’outil statistique, et de la démarche en cours de construction. Quand l’outil est mis au point, nous reprenons contact. En effet, la situation en est éclairée.
Tenir compte de l’âge des salariés permet de voir que les absences courtes sont plutôt inférieures à la moyenne constatée dans des populations similaires. De manière générale, la situation a l’air plutôt saine, à quelques exceptions près que nous pourrons cibler.
Cette vision de la situation va permettre à l’entité de continuer ses efforts, en étant moins « sous pression » managériale. Au contraire, elle sera valorisée dans le prochain audit pour sa capacité à résoudre des situations difficiles.
La part des situations individuelles est plutôt plus importante que la moyenne, et nécessite de continuer le gros travail engagé, en formalisant et en officialisant le travail multidisciplinaire d’accompagnement des salariés en difficulté, de manière à le rendre pérenne, au-delà de l’investissement personnel des acteurs en présence et de la confiance qui s’est construite pas à pas.
Cela va contribuer à changer la « vision du monde » dans l’unité : il est normal que certaines situations soient difficiles, et il devient normal de travailler ensemble à chercher à les résoudre, même si l’on n’y arrive pas toujours, hélas.

Quelques populations semblent toutefois en difficulté : les jeunes hommes embauchés au collège cadre, les femmes de 30 à 40 ans. Je les invite à creuser où se situent ces personnes, et ce qui se passe : est-ce une équipe particulière ? un métier ? Cela permettra d’aller au contact de la situation problématique.
Ils seront accompagnés dans leur exploration par les consultants internes spécialisés avec qui nous sommes en train de formaliser un questionnement « stratégique » de ces situations.

Vignette n°3 : exemple de recadrage sur l’absentéisme
Toutes les rencontres avec les Métiers du groupe sont une source d’enrichissement. Je voulais partager avec vous une autre « pépite » glanée à cette occasion.
Il s’agit d’un Métier très technique, où les accidents peuvent être mortels. La sécurité y est une des composantes très fortes de la culture. Le management y est aussi parfois un peu « raide » toutefois, comme parfois quand la culture d’ingénieur prédomine.
Le responsable santé sécurité d’une entité a mis au point localement une « moulinette » permettant de mettre en évidence les absences courtes et fréquentes. Ce qui est plus intéressant, c’est qu’il a détecté dans ses fichiers  que parmi les « multi-absents » on trouve aussi les « poly-accidentés ». Et encore plus intéressant, il en déduit la chose suivante : « Nous allons être particulièrement attentifs au sein des équipes aux poly-absents, car nous voulons absolument prévenir les accidents qui pourraient leur arriver.
N’est-ce pas un recadrage tout à fait inattendu et merveilleux !

Vignette n° 4 : il faut se méfier des trop bons chiffres
Dans l’outil statistique dont je vous ai parlé tout à l’heure, on met en évidence tout ce qui s’écarte de la « norme », c’est-à-dire aussi bien « trop d’absences » que « pas assez ».
Dans le déploiement nous avons insisté pour que les deux fassent l’objet d’une investigation dans les entités concernées. Car si un endroit peut être particulièrement favorable à la santé, il peut dans les chiffres avoir l’air idyllique mais dans les faits préparer l’épuisement des femmes et des hommes des équipes.
Dans ces endroits, nous avons conseillé :
– de regarder bien évidemment d’autre signaux, notamment ceux du baromètre social annuel, et de tester l’ambiance des équipes.
– d’en discuter avec les managers concernés, pour qu’ils soient attentifs à reconnaitre l’investissement et vigilants sur les signes de fatigue.
– De mettre en place une « éducation à prendre soin de ses ressources personnelles ».

Conclusion :
Face à une problématique mal définie et aussi complexe que « l’absentéisme », le modèle de Palo Alto nous a permis de construire à l’échelle d’un système complexe et multiple une démarche structurée diffusable à l’ensemble des acteurs pertinents, via la construction d’outils simples, peu chers, facilement assimilables par les acteurs concernés, et transposables à toutes sortes d’organisations.
Si tous les fruits n’en ont pas encore poussé, le déploiement étant par nature progressif dans ces gros systèmes décentralisés, les acteurs qui les utilisent ont aujourd’hui le sentiment :
– de se sentir moins coupables si le chiffre n’évolue pas « assez vite »
– d’y voir plus clair sur la situation de leur entité, en mettant en évidence de manière plus réaliste leurs marges de manoeuvre
– de travailler de manière ciblée et cohérente sur les situations qu’ils peuvent faire évoluer, en multidisciplinarité
– d’être en réseau avec d’autres acteurs vivant des problématiques proches.

© Lise Cortes/Paradoxes

Pour citer cet article : Lise Cortes, Voyage(s) au(x) pays de l’absentéisme, les apports de l’intervention systémique paradoxale.
https://www.paradoxes.asso.fr/2017/10/voyages-aux-pays-de-l’absenteisme-les-apports-de-l’intervention-systemique-paradoxale/
Communication à la XVIème journée de Rencontre de Paradoxes, le 7 octobre 2017

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